Cette étude aborde la problématique de la fracture numérique par rapport aux niveaux d’éducation dans la région Occitanie.
Cette région située dans le sud de la France compte 5,840 millions d’habitants, répartis sur 13 départements. La région compte deux grandes métropoles ; Toulouse et Montpellier, qui comptent respectivement 502.989 et 300.239 habitants. Les deux métropoles portent le label “French Tech” pour leur environnement favorable aux start-ups et comptent de nombreuses entreprises et emplois dans le secteur du numérique. Bien que la région soit à la pointe du progrès numérique dans le pays, elle n’est pas exempte d’inégalités au niveau départemental, communal et infra-communal.
Depuis quelques années, disposer d’une connexion internet est devenu pratiquement une nécessité. Dans le domaine éducatif, l’internet devient de plus en plus une ressource nécessaire pour étudier, se connecter avec des collègues de classe, faire des recherches et réaliser des travaux pratiques. Ne pas avoir accès à l’internet, ou y avoir un accès avec une connexion de mauvaise qualité, désavantage les individus dans un monde en constante évolution.
L’hypothèse de cette étude est que ce désavantage peut décourager ses victimes de poursuivre des études, ce qui se traduirait par des zones mal connectées avec de faibles niveaux d’éducation, ainsi que par le fait que les personnes qui souhaitent poursuivre leurs études pourraient être incitées à déménager dans des communes voisines mieux connectées.
Dans ce qui suit, nous présenterons l’analyse effectuée au niveau départemental et communal, puis un focus sur les villes labellisées French Tech pour enfin aboutir à une conclusion.
Pour réaliser l’analyse, nous avons principalement utilisé les données du projet “Ma connexion internet” de l’Arcep. Ces données contiennent principalement les locaux et les technologies de connexion internet auxquels ils sont éligibles. Conformément aux objectifs de cette étude, nous nous sommes concentrés sur la technologie de la fibre optique ou FttH (Fiber to Home) en raison de sa vitesse et de sa stabilité inégalées. A partir de ces données, nous avons calculé le taux d’éligibilité des locaux à cette technologie à différents niveaux : départemental, communal et infra-communal.
Ces informations sont complétées par les données de l’INSEE de 2018 sur les diplômes et les formations. Cette base de données contient, au niveau infra-communal, le nombre d’habitants non scolarisés, c’est-à-dire qui ne sont pas inscrits dans un établissement d’enseignement, et les niveaux de diplômes que ces personnes ont obtenus. Afin de faciliter l’approche, nous avons pris les extrêmes comme base de l’analyse ; les habitants sans aucun diplôme d’une part et les habitants ayant un Bac+5 d’autre part. Le calcul de la part de chacune de ces populations a également été effectué au niveau départemental et infra-communal.
Enfin, au niveau départemental, nous nous sommes référés à la base de données permanente des équipements de l’INSEE, sur laquelle nous avons calculé la densité des équipements au niveau départemental pour déterminer d’autres éléments de la fracture.
Un pourcentage important des habitants de la région dispose d’une connexion avec une vitesse de téléchargement supérieure à 1 Gbit/s, mais le pourcentage de locaux éligibles à seulement 8 Mbit/s n’est pas négligeable.
Il est également possible de constater sur le graphique de droite que pour la fibre optique, le taux d’éligibilité des locaux n’est pas uniforme entre les départements.
En termes d’opérateurs, on observe que le plus important sur le territoire est FRTE (Orange) suivi de SFR.
| code_operateur_mci | n |
|---|---|
| FRTE | 1447060 |
| SFR0 | 609160 |
| CORI | 200592 |
| FREE | 136013 |
| BOUY | 95471 |
| MWSP | 94224 |
| NORN | 37024 |
| R135 | 22878 |
| CCCC | 4038 |
Enfin, en ce qui concerne les technologies, il existe un déploiement très proche entre la fibre optique et le DSL et, dans une moindre mesure, le câble.
| code_techno_mci | n |
|---|---|
| FO | 1341575 |
| CU | 1265339 |
| COAX | 39546 |
La mise en place d’un cluster K-means a révélé une dynamique sur le territoire : les communes situées sur le littoral et les communes métropolitaines ou très proches de la métropole ont un taux d’éligibilité à la fibre très élevé. Dans les communes autour de ces zones, la moitié des locaux sont éligibles à la fibre optique et l’autre moitié au DSL. Dans les campagnes, en revanche, on observe un taux élevé de locaux éligibles au DSL uniquement ; 69% des communes appartiennent à ce groupe.
Les communes qui disposent majoritairement d’une connexion DSL ont un taux moyen de 20% de la population sans aucun diplôme et de 6,9% de la population ayant un bac+5. Les communes majoritairement desservies par la fibre optique comptent en moyenne 19% de la population sans aucun diplôme et 7,6% de la population titulaire d’un bac+5, soit une légère augmentation par rapport aux territoires desservis par le DSL.
La technologie DSL permet de se connecter à l’internet par l’intermédiaire d’un modem et de fils de cuivre qui assurent l’envoi et la réception des données. Les vitesses en chargement de la DSL peuvent aller de 1 à 10 mégabits par seconde, tandis que les vitesses en téléchargement vont de 5 à 35 Mbps, ce qui la rend plus lente que la fibre optique.1
Carte 1 : Communes catégorisés selon son accès à la fibre ou au DSL
Les différences observées témoignent d’un problème de développement et d’inégalité entre les communes, qui peut être le résultat à la fois de la difficulté du déploiement physique de la fibre dans les zones situées à la campagne, et du manque d’intérêt des fournisseurs et des autorités publiques pour l’aménagement de ces zones.
En regroupant les données au niveau départemental, des différences peuvent être observées notamment dans les départements de la Haute-Garonne et de l’Hérault, où l’on trouve un pourcentage plus élevé de personnes ayant un Bac+5 (respectivement 17,3% et 11,8%), alors que dans les autres départements ce taux est inférieur à 8%. En ce qui concerne la proportion d’habitants sans aucun diplôme, on constate que c’est le cas d’un quart de la population non scolarisée en Tarn-et-Garonne. C’est en Haute-Garonne que l’on trouve le plus faible taux de personnes sans diplôme (15%). Les autres niveaux de diplômes restent quasiment stables entre les départements, les différences commencent à s’observer à partir de Bac+2, suivant la tendance évoquée plus haut.
Niveau de scolarité par département
En croisant ces données avec le taux de locaux éligibles à la fibre optique, on constate qu’il y a une coïncidence : les départements de la Haute-Garonne et de l’Hérault ont un taux élevé de locaux éligibles à la fibre optique, alors que les départements du Tarn, du Tarn-et-Garonne et de la Lozère ont un taux de moins de 45% de locaux éligibles à celle-ci.
Carte 1
Ce clivage s’observe également par rapport aux équipements, notamment de santé et d’action sociale, présents sur le territoire ; une plus forte densité d’équipements s’observe dans les départements de la Haute-Garonne et de l’Hérault. Dans les données de la base permanente des équipements, il n’y a pas de différences majeures en termes d’équipements d’enseignement, mais il est bien connu que plusieurs des universités les plus importantes de la région sont situées dans les villes de Toulouse et de Montpellier, comme l’Université de Montpellier, l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénée, l’Université Toulouse 1 Capitole, l’Université Toulouse - Jean Jaurès, l’Université Toulouse III - Paul Sabatier, etc. Cela reflète une inégalité dans le développement des départements qui, couplée à un accès plus faible à une connexion internet rapide et stable, contraint les habitants qui souhaitent poursuivre des études supérieures à migrer vers des métropoles.
Le rapport du Conseil Économique, Social et Environnemental Régional d’Occitanie sur la fracture numérique met en avant les différences entre les territoires, rappelant que les villes de Toulouse et Montpellier sont labellisées French Tech depuis 2014, alors que 89 zones blanches non desservies par un opérateur de téléphonie mobile se trouvent dans la région.
Le label French Tech est un label de reconnaissance des métropoles les plus prometteuses en matière d’entrepreneuriat et de numérique. Ces villes comptent donc un nombre élevé d’entreprises et d’emplois dans le numérique et supposent la disponibilité d’une bonne connexion internet. Il est donc intéressant de vérifier les éventuelles différences en termes de connexion et d’éducation dans ces deux villes au niveau infra-communal.
Dans le cas de Montpellier, on observe une dynamique claire : contrairement à ce que l’on pourrait attendre, le pourcentage de locaux éligibles à la fibre est plus faible dans le centre-ville et ce pourcentage augmente à mesure que l’on s’éloigne du centre. Ce phénomène peut être attribué à la présence d’un centre ville historique, où il est plus difficile et plus coûteux de déployer la fibre. Il convient de noter que l’accès DSL est déjà disponible dans ces zones.
Par rapport au niveau d’éducation des habitants, on constate l’inverse : ce sont les habitants ayant un niveau d’éducation plus élevé qui habitent dans les IRIS localisés dans le centre-ville, ce qui montre que l’occupation du territoire de la métropole correspond au niveau économique des habitants et que ce ne sont pas forcément les habitants en meilleure situation économique qui ont accès à la fibre. Au contraire, les IRIS présentant le plus fort pourcentage d’habitants sans diplôme sont situés dans la périphérie de la ville, principalement dans le quartier Mosson, qui est aussi un quartier prioritaire de la politique de la ville.
Dans le cas de Toulouse, cette dynamique est moins évidente. Dans certaines parties du centre-ville ainsi que dans les zones comportant de grands espaces verts, l’accès à la fibre optique est plus faible, alors qu’il est plus élevé dans l’ouest et dans certaines parties du nord. De la même manière que Montpellier, le centre-ville présente un pourcentage plus faible d’habitants sans aucun diplôme ; cette population vit principalement dans le sud-ouest de la ville, où se concentrent différents quartiers prioritaires de la ville tels que Les Pradettes, Bagatelle La Faourrette, Grand Mirail, Arènes et Cépière-Beauregard. En revanche, dans l’IRIS du centre ville, il y a une forte proportion de la population non scolarisée ayant un Bac+5.
L’étude réalisée ne permet pas en effet de conclure sur la relation entre l’accès à la fibre optique et le niveau d’éducation ; si à l’échelle départementale, il est clair que dans les départements où l’éligibilité à la fibre optique est élevée, il y a également une plus forte proportion de la population ayant un niveau d’éducation supérieur, à l’échelle infra-communale ce phénomène ne se produit pas, comme cela a été constaté à Toulouse et Montpellier. Cependant, cette analyse révèle l’existence d’une fracture sociale et d’une différence dans le niveau de développement des différents territoires de la région.
Les départements de l’Hérault et de la Haute-Garonne sont privilégiés, tant au niveau de la disponibilité de la fibre optique qu’au niveau des équipements disponibles en général. Ces départements accueillent également des universités prestigieuses de la région et de nombreuses entreprises digitales (notamment Airbus à Toulouse). Ces différences peuvent inciter les habitants des communes de l’intérieur qui souhaitent poursuivre des études supérieures à déménager dans ces zones métropolitaines, tant en raison du prestige des universités que de la présence d’un marché du travail plus important.
Les personnes ayant un niveau d’éducation élevé ont tendance à vivre dans le centre-ville, qu’il ait ou non accès à la fibre optique. Il est possible de conclure que les personnes les plus instruites ont tendance à avoir un salaire plus élevé et par conséquent à vivre dans les quartiers les plus chers de la ville. Quant aux personnes sans diplôme, elles peuvent vivre dans des zones où l’accès à la fibre est bien développé mais qui sont socialement défavorisées ; la fibre n’améliorera donc ni leur qualité de vie, ni ne les incitera à aller faire des études, puisque d’autres problèmes sociaux et économiques plus importants se posent.
En conclusion, la fracture numérique existe et se configure en fonction du littoral et de la métropole par rapport aux communes rurales. La fracture sociale s’observe plus largement, au niveau départemental, communal et infra-communal, tant au niveau de l’éducation que de la densité des équipements et les revenus.
Service Politique de la Ville. (s. d.). Les quartiers prioritaires du Contrat de Ville Montpellier3m. Consulté le 13 avril 2022, à l’adresse https://contratdeville.montpellier3m.fr/les-quartiers-prioritaires-du-contrat-de-ville
Commission Aménagement du Territoire - Politiques environnementales et énergétiques - Transport - Infrastructures - Numérique - Logement. (2021, novembre). Comment mettre le numérique au service de l’humain et des territoires. https://www.ceser-occitanie.fr/wp-content/uploads/2022/03/4P_C1_numerique.pdf
Stanar, D. (2021, 7 mai). DSL vs Fiber | Advantages and Disadvantages of Both Types of Internet Connections. Vssmonitoring. Consulté le 13 avril 2022, à l’adresse https://www.vssmonitoring.com/dsl-vs-fiber/
La Région d’Occitanie. (2021, 5 mars). Occitanie numérique : ambitions et solutions – La stratégie numérique régionale. Région Occitanie. Consulté le 13 avril 2022, à l’adresse https://www.laregion.fr/Occitanie-numerique-ambitions-et-solutions-La-strategie