Les espaces verts urbains, une aménité indissociable de la ville résiliente
Cette étude a été réalisée par l’unité Connaissances et Analyses Territoriales du Service Études, Planification et Analyse Territoriale de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer du Nord.
Pour toutes remarques, contactez l’unité par courriel à l’adresse suivante : ddtm-cat@nord.gouv.fr
| Rapport | Nom | Date |
| Service en charge du pilotage de l’étude | SEPAT | |
| Rédacteur(s) | Laurent Moreau | Décembre 2021 |
| Relecteur(s) | Romain CADOT | Janvier 2022 |
| Validé par | En cours de finalisation |
Résumé
Cette étude vise à caractériser la résilience des villes face aux changements climatiques par la mesure de la présence d’Espaces Verts Urbains (EVU), ses principaux enseignements sont :
La mise en place d’une politique volontariste de création d’espaces verts urbains est nécessaire pour augmenter la résilience des villes pour le bien-être de la population et face aux changements climatiques. Les différents documents de planification devraient préciser finement les objectifs de “verdissement” des espaces urbains, en termes de contenu, de surface.
Près de 72% des villes de plus de 10 000 habitants ont une offre en espace vert urbain inférieure à la recommandation minimale de l’Organisation Mondiale de la Santé, à savoir inférieure à 10m² par habitant,
Douai, avec 12m², est la seule ville structurante, préfecture ou sous-préfectures, à proposer plus de 10 m² d’espace vert à sa population. Lille est très proche des 10 m², Dunkerque et Cambrai sont à 7m² , Valenciennes à 5m² et Maubeuge à 4m².
Contexte
La définition du programme de constructions et d’aménagements des villes se confronte à deux enjeux :
celui de la préservation des espaces agricoles, inscrite dans la trajectoire « zéro artificialisation nette » en 2050 fixée par le Gouvernement et inscrite dans la loi Climat et Résilience, invite les décideurs à densifier les villes en investissant les délaissés et anciennes friches pour y construire de nouveaux logements, parfois sous la pression des aménageurs privés, mais aussi afin de répondre à la demande de la population,
celui de concevoir une ville résiliente aujourd’hui mise à mal par les bouleversements climatiques, que cela soit en termes de réchauffement climatique par l’apparition de plus en plus récurrente d’îlots de chaleur lors des périodes prolongées de fortes températures durant été, ou que cela soit face aux crues lors d’évènements pluviométriques intenses.
La carte ci-dessous est extraite de l’atlas du réchauffement climatique produit par l’hebdomadaire le “Courrier International” en août 2021 pour être présentée dans la une du n°1606 du 12 au 18 août intitulée vivre avec la canicule. Elle reprend le cas d’une urbanisation extrême, celle de la ville de New-York, face au réchauffement climatique en représentant les écarts de température par rapport à la moyenne calculé à partir des températures de surfaces au cours des mois d’été de 2014 à 2019. Elle montre clairement les disparités de situations entre l’habitat situé à proximité des espaces verts urbains et celui situé au cœur des villes, l’écart de température est de près de 5 degrés.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) associe depuis de nombreuses années les thématiques de la ville et de la santé. Dans un rapport de 2016 elle rappelait les avantages sociaux et économiques des espaces verts :
Les villes disposant d’espaces verts attrayants et bien connectés peuvent offrir à leurs résidents un cadre sécuritaire leur permettant de pratiquer une activité physique et de loisirs, de se déstresser et d’engager des contacts sociaux. Les espaces verts permettent également d’améliorer la résilience des villes face aux évènements environnementaux extrêmes tels que les vagues de chaleur (en atténuant l’effet d’îlot thermique urbain) et les précipitations particulièrement intenses (en réduisant l’écoulement de surface).
Il est également prouvé que les espaces verts s’avèrent particulièrement bénéfiques aux communautés économiquement défavorisées, aux enfants, aux femmes enceintes et aux personnes âgées. Les villes dotées d’espaces verts sont susceptibles d’abriter une population en meilleure santé, ce qui allège la pression exercée sur les services de santé et contribue ainsi à une économie plus forte.” (Cf. : le rapport de l’OMS )
Par le biais du réseau français des Villes-Santé, l’OMS propose un ensemble de productions dont l’ouvrage “Espaces verts urbains: promouvoir l’équité et la santé” paru en 2020 inspire fortement l’analyse qui va suivre.
Enfin, outre les bienfaits apportés aux populations des villes, les EVU constituent les supports d’écosystèmes et de biodiversité plus ordinaires qu’il faut protéger car mis à mal par le développement de notre société.
Objectifs
Cette étude a pour objectifs de :
rappeler les recommandations de l’OMS en matière d’espace vert urbain,
établir la présence d’espace vert urbain pour les communes de plus de 10 000 habitants des Hauts-de-France,
encourager les décideurs à déminéraliser les villes.
Nous allons mesurer l’offre d’Espaces Verts Urbains (EVU) présents au sein ou en bordure des zones résidentielles des villes.
La disponibilité associée à cette offre correspond à l’adéquation entre la surface d’espace vert présent sur un territoire avec la population potentiellement bénéficiaire de cet espace. La disponibilité est ainsi exprimée en m² d’espace vert par habitant.
Méthodologie
Nous allons mesurer l’offre d’Espaces Verts Urbains (EVU) présents au sein ou en bordure des zones résidentielles des villes.
La disponibilité associée à cette offre correspond à l’adéquation entre la surface d’espace vert présent sur un territoire avec la population potentiellement bénéficiaire de cet espace. La disponibilité est ainsi exprimée en m² d’espace vert par habitant.
Les bases de données mobilisées
Dans la parution de l’OMS précédemment citée, il est précisé que “la base de données que présente
OpenStreetMap(OSM) s’avère, d’après la littérature (Girres and al., 2009 ; Girres and al., 2010 ; Corcoran and al. 2013) et des travaux réalisés dans le cadre du projet GreenH-City, très bien renseignée en France en ce qui concerne les espaces urbains, et ce d’autant plus pour des villes de plus de 50 000 habitants.”Nous utiliserons donc la base de données présentant l’occupation du sol disponible sur le serveur WFS de OSM-magellium à partir du lien http://magosm.magellium.com/geoserver/ows?version=2.0.0.
La population communale retenue sera celle proposée par l’INSEE dans sa base de données “comparateur de territoire” qui mobilise le millésime 2018 dans la version produite en septembre 2021.
Méthodologie
La méthodologie suivra les étapes suivantes :
définir l’espace résidentiel des villes (la tâche urbaine) avec la mobilisation du champ
landuse(usage du sol) dans sa modalitéresidential(résidentiel).sélectionner les EVU qui intersectent la tâche urbaine précédemment définie en utilisant le champ
leisure(loisirs) et en retenant que les EVU y sont caractérisés par la modalitépark(parc).la mesure de la disponibilité sera calculée par le rapport de la surface communale d’EVU en m² avec la population communale
les objectifs chiffrés d’espaces verts par habitant de la circulaire de 1973 sont rappelés par la parution de l’OMS :
“La circulaire ministérielle du 8 février 1973 relative à la politique d’espaces verts définit ces espaces comme des équipements structurants d’intérêt public et fixe des objectifs chiffrés d’affectation des espaces verts par habitant : 10 m² par habitant en zone centrale et 25 m² par habitant en zone périurbaine. Ces objectifs chiffrés ont notamment été repris comme norme par l’OMS aujourd’hui”. La circulaire peut_être téléchargée à partir du lien https://sociotopes.home.blog/2020/03/05/exhumons-la-circulaire-du-8-fevrier-1973/.
Ces deux valeurs étalonneront l’étude.
- Un filtre sera appliqué sur le critère de la population. Nous nous limiterons aux communes de plus de 10 000 habitants, car cette limite offre une cohorte suffisante de communes, 103 communes pour la région Hauts-de-France avec la répartition départementale suivante :
Hypothèse de travail
Le département du Nord accueille la majorité des communes de plus de 10 000 habitants de la région (52 des 101 communes). Le Pas-de-Calais arrive au second plan avec 24% de ces communes, il est suivi de l’Oise avec 13% et l’Aisne puis la Somme arrivent au dernier plan avec respectivement 7% et 2% des communes.
Cette répartition inégale et parfois disparate pour certains
départements nous a amenés à regrouper les informations des départements
autres que le Nord en une seule catégorie : Reste HDF. La
comparaison des deux territoires est ainsi rendue possible.
Décompte des communes de plus de 10 000 habitants dans la région hauts-de-France
Liste des communes de plus de 10 000 habitants dans la région Hauts-de-France
Disponibilité des espaces verts urbains : les villes du Nord ont moins d’espaces que celles du reste de la région
On constate que:
71% des communes du département du Nord ne disposeraient pas suffisamment d’EVU au regard des recommandations minimales de l’OMS (10m² par habitant), cela concerne 37 des 52 villes. Pour le reste des HDF on est à 67% avec 29 des 43 villes.
un écart important de répartition pour les villes disposant:
- entre 10 et 15 m² d’EVU par habitant, 11% pour le Nord et 7% pour le reste des HDF,
- de plus de 25 m² d’EVU par habitant, 9% pour le Nord et 19% pour le reste des HDF.
Tableau de répartition des communes
Les communes sont distribuées selon 5 catégories de disponibilité définies par les tranches suivantes : Pas d’espace vert urbain, Moins de 10m², de 10 à 15 m², de 15 à 25 m², Plus de 25 m²
Représentation graphique
Les diagrammes à moustaches sont une représentation de la distribution des communes. Elle séparent en quatre parts de 25% le nombre des communes de chaque territoire. En positionnant le pointeur de votre souris sur une boite vous aurez accès à:
la valeur minimale
q1, le premier quartile en bas de la boite, valeur en dessous de laquelle se positionnent 25% des communes,
la médiane /le deuxième quartile qui sépare les communes en deux parts égales,
q3, le troisième quartile en haut de la boite, valeur au delà de laquelle on retrouve 25% des communes,
la valeur maximale,
les points au-dessus de la valeur maximale représentent les communes portant des valeurs extrêmes.
Dans le diagramme à moustaches ci-dessous, les lignes orange et verte positionnent les valeurs étalons d’ EVU retenues par l’OMS, à savoir 10 m² par habitant en zone centrale des villes et 25 m² par habitant pour les zones périurbaines.
On peut noter que la distribution des villes est plus resserrée dans le département du Nord et se situe autour de surfaces d’ EVU inférieures à celles des autres départements de la région.
En effet l’écart interquartile est de 7,5 pour le Nord contre 12 pour le reste des Hauts de France. Il se construit à partir des valeurs des premier et troisième quartiles qui sont à 2,5 et 10 pour le Nord et à 2.4 et 14 pour le reste des HDF.
De plus les valeurs maximales sont assez différentes avec 21 pour le Nord contre 26,5 m² pour le reste de la région.
Carte régionale des communes
On retrouve dans la carte ci-dessous les villes de plus 10 000 habitants colorées en :
- en rouge, les communes ne disposant pas de parcs urbains au sein de leur tâche urbaine,
- en vert pâle lorsque l’on y a moins de 10m² d’EVU par habitants,
- en vert olive les villes qui proposent entre 10 et 15m²,
- en vert foncé et vert foncé les villes que l’on pourrait qualifier de “généreuses” et “très généreuses” puisqu’elles offres respectivement de 15 à 25m² ou plus de 25 m² d’EVU par habitant.
La prédominance des villes en manque d’EVU se fait ressentir par la forte coloration rouge de la carte. Sous cette couleur, au sujet des villes majeures du département, à savoir la préfecture et les sous-préfectures, on retrouve toutes les villes du département au nord à l’exception de Douai. Une grande part des villes de plus de 10 000 habitants de leur première couronne sont aussi sous cette couleur.
De l’autre côté du spectre, on retrouve les communes les plus vertueuses :
en vert foncé, disséminées sur tout le département à l’exception du sud, l’Avesnois et le Cambrésis: on retrouve avec Douchy-les-Mines, Haubourdin, Neuville-en-Ferrain, Armentières et Gravelines des villes que l’on peut qualifier de “très généreuses”, parce qu’elles offrent plus de 25m² d’EVU,
en vert plus pâle à proximité de Lille on observe quelques villes “généreuses”, elles proposent entre 10 et 25 m², regroupées avec Loos et Faches-Thumesnil au sud, Villeneuve d’Ascq et Mons en Baroeul à l’Est et Saint-André juste au nord. On retrouve les 3 dernières plus au Sud avec Douai , Somain et Caudry,
Douai et Caudry sont donc les deux villes majeures vertueuses du département.
Données détaillées des communes
Ce tableau est proposé pour une analyse fine des situations communales.
Il permet par exemple la comparaison des communes selon leurs populations ou les surfaces de leurs tâches urbaines lorsque l’on ordonne les lignes selon ses caractères en positionnant le pointeur de la souris sur l’intitulé de la colonne.
De plus, le champ portant la valeur du nombre de parcs introduits dans le calcul de la surface d’ EVU par habitant donne une première idée de la répartition de cette surface au sein de la tâche urbaine et donc de son accessibilité . On peut considérer que celle-ci est d’autant plus grande que le nombre de parcs est important.
Carte détaillant les surfaces prises en compte dans les calculs
En zoomant à l’échelle d’une commune, dans la carte dynamique ci-dessous, on retrouve les EVU en vert et la tâche urbaine en gris . Elle permet de confirmer l’hypothèse sur l’accessibilité des EVU que l’on a pu construire à partir du précédent tableau en présentant leur répartition à l’intérieur de la tâche urbaine communale.
On peut par exemple noter, en zoomant sur la carte, que certaines de nos villes “très généreuses” s’appuient sur la présence d’un grand parc et non pas sur un maillage de petits parcs répartis sur l’ensemble du périmètre urbanisé de la commune.
C’est le cas de Douchy-les-mines, Neuvilles-en-Ferrain, Armentières et Gravelines où on constate la présence de grands parcs respectivement à 30, 18, 106 et 13 hectares.
Haubourdin semble plus exemplaire avec la présence de 4 parcs avec 1 à 1,2 ha et 3 à près de 0,7 ha.
Limites et discussions
Les espaces verts urbains participent au bien-être physique et psychologique des populations urbaines. La mesure de leur disponibilité est une mesure nécessaire d’offre de service qui, sur différentes échelles de territoire, peut être heureusement précisée par celle de l’accessibilité. Cela est d’autant plus nécessaire lorsqu’on analyse des villes étendues avec un nombre réduit d’espaces verts. L’accessibilité pourra correspondre à la distance, en mètres ou kilomètres, et au temps, en minutes de marche, de vélo, de transport en commun ou peut-être même de voiture, entre le domicile des individus et l’entrée d’un espace vert public. En descendant à l’échelle d’une ville, le sujet pourra à nouveau être amendé par la prise en compte de la gestion urbaine de proximité des espaces: les limites d’usages (horaires d’ouverture) ou la qualité en termes d’aménagement (présence de bancs, espaces de jeux, parcours santé, barbecues,etc…) d’animation ou d’entretien.
On a noté une faible différence de distribution entre celle des grandes villes du département du Nord et celle des quatre autres départements des Hauts-de-France, avec notamment une part à 70% des villes “en manque” d’espaces verts urbains. Il serait certainement intéressant, dans une démarche prospective, de comparer les résultats obtenus dans les HDF à ceux issus d’une région du sud de la France et pour laquelle on serait en droit de penser que les villes y ont été conçues en prenant mieux en compte les périodes de grandes chaleurs estivales.
Conclusions
La résilience d’un grand nombre de villes de plus de 10 000 habitants des Hauts-de-France est déjà questionnée par ce premier niveau d’analyse qu’est la mesure de la disponibilité des espaces verts urbains. Les trois quarts des villes de notre département proposent à leur population moins de 10m² par habitant. Amender ce travail par celui de la mesure de l’accessibilité des EVU augmentera la portée de ce questionnement et ciblera finement les parties de territoires défaillants sur lesquelles il faudrait envisager une politique d’aménagement volontariste.
Aujourd’hui la décision de créer un espace vert urbain est perçue comme un choix coûteux pour les finances communales. L’outil expérimental Bénéfriche, conçu par l’ADEME, pourra peut-être orienter la prise de décision dans cette direction en listant de manière exhaustive et en quantifiant l’ensemble des externalités associées aux différentes propositions d’aménagement ou de construction en compétition, que cela soit en termes d’étalement urbain, de stockage ou déstockage de CO2, d’effet récréatif-éducatif ou pour la santé, d’effet pour les riverains (évolution des valeurs immobilières), d’effet pour les transports, les voiries et réseaux de distribution, etc…
La circulaire sur laquelle s’appuie cette étude est ancienne (8 février 1973). Depuis, le sujet a été réinvesti par l’article L 122-1-5 al. 7 du code de l’urbanisme, dans un amendement de la loi « Grenelle 2 » qui dispose que le Schéma de cohérence territoriale « peut définir des objectifs à atteindre en matière de maintien ou de création d’espaces verts dans les zones faisant l’objet d’une ouverture à l’urbanisation ». Ces dispositions sont commentées dans un article de sociotopes du 26 octobre 2011 précisant que: “définir des objectifs quantitatifs applicables sur l’ensemble du territoire, ce qui ne se conçoit guère sans une analyse minimale de la situation existante en matière d’offre d’espaces verts, faisant ressortir des carences, des inégalités, des problèmes d’accessibilité…” ce qui inciterait “à exhumer et pourquoi pas remettre en vigueur la circulaire du 8 février 1973, qui définissait déjà des objectifs à atteindre en matière d’offre d’espaces verts” (Cf. article du 26 octobre 2011).