Analyse comparative des surfaces en friches au regard de l’artificialisation

Cette étude a été réalisée par l’unité Connaissances et Analyses Territoriales du Service Études, Planification et Analyse Territoriale de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer du Nord.

Pour toutes remarques, contactez l’unité par courriel à l’adresse suivante :

Rapport Nom Date
Service en charge du pilotage de l’étude SEPAT
Directeur d’étude Thibault Vandenbesselaer
Rédacteur(s) Romain CADOT 15/10/2021
Relecteur(s) Mary Cherpion

Résumé

On dénombre 6874 friches sur le département pour un total de 1995 Ha. Ces friches sont inégalement réparties sur le territoire. La Métropole Européenne de Lille et la Communauté Urbaine de Dunkerque disposent à elles seules de 895 Ha, soit près de la moitié des surfaces en jeu.

Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a déployé un fonds dédié au financement des opérations de recyclage des friches. Cet appel à projets a été renouvelé en 2021, les résultats ne sont pas encore connus à ce jour. Ces deux appels à projets ont mobilisé 128 dépôts de dossiers. Le premier appel à projet ayant réuni 65 projets pour un total de 22 Ha (dont 22, soit 163 Ha ayant été accepté). Les projets mobilisés dans le cadre du deuxième appel à projets sont du même ordre de grandeur en matière de nombre de dossiers (63) et de surfaces en friches en jeu (186 Ha). Si le ratio surfaces retenues/surfaces demandées reste identique, alors on peut estimer à 117 Ha potentiellement requalifiables. Les projets déposés se trouvent dans les principales aires où se trouvent les friches à savoir la MEL ainsi que le bassin minier. On peut toutefois noter qu’il y a peu de surfaces déposées sur le littoral.

En croisant les données des friches existantes avec l’artificialisation, il est ainsi possible de comparer les surfaces en jeu en matière d’artificialisation et de friches afin de voir à quel niveau de la demande en matière d’artificialisation, le recyclage des friches peut participer à la résolution de cet enjeu. Bien que ces valeurs soient à prendre avec précaution, on peut toutefois conclure que le rapport entre l’offre de friches et la demande d’artificialisation est très hétérogène sur le territoire et que le recyclage des friches n’est pas systématiquement à la hauteur pour lutter contre l’artificialisation. Pour le département du Nord, il y a ainsi 5 fois plus friches que de surfaces artificialisées chaque année.

La mise en perspective des surfaces recyclées par le fonds friches au regard des artificialisations respectives permet de dégager un bilan très contrasté en fonction des collectivités. Pour la très grande majorité des EPCI, le fonds friches n’a pas participé au niveau des surfaces artificialisées en jeu. Pour l’année 2020, seules 4 collectivités ont vu leurs friches dans le cadre de l’appel à projet participer activement à la lutte contre l’artificialisation avec des ratios friches subventionnées/surfaces artificialisées annuellement allant de 20% à 400%.

Le contexte

L’étalement urbain et l’artificialisation des sols détruisent et morcellent les espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Ils contribuent ainsi à la dégradation des écosystèmes et à l’érosion de la biodiversité (disparition d’espèces d’insectes, d’oiseaux, de mammifères), mais aussi au réchauffement climatique (réduction de la capacité d’absorption du CO2 des sols).

Ils représentent également des défis économiques et sociaux pour les habitants et les territoires (perte d’attractivité des centre-villes, vacance des logements, fermeture des commerces, éloignement de l’emploi et des services). Enfin, l’artificialisation accentue la vulnérabilité de certains territoires aux risques naturels, notamment en rendant les sols imperméables à la pluie (inondations, feux de forêts).

La reconquête des friches constitue un enjeu majeur d’aménagement durable des territoires pour répondre aux objectifs croisés de maîtrise de l’étalement urbain, de revitalisation urbaine et par conséquent, de limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Les objectifs

L’objectif de cette étude est de déterminer les ordres de grandeurs en jeu en matière de friches existantes et mobilisables comparativement à l’artificialisation. Une fois ces ordres de grandeurs définis, il sera alors possible de mieux appréhender ce levier d’action au regard de la lutte contre l’artificialisation notamment en matière de rythme de réponse à la problématique.

Méthodologie

Éléments étudiés

Trois bases de données sont mobilisées pour réaliser cette études :

  1. OCS2D : caractérisation de l’occupation et de l’usage du sol pour le département du Nord en 2015
  2. Artificialisation : données de l’artificialisation 2009-2018 en provenance du CEREMA
  3. Fonds Friches : données des deux appels d’offres 2020-2021 et 2021-2022 disponibles sur demarches-simplifiees.fr

Hypothèse de travail et limites

Les données en provenance d’OCS2D sont a priori les plus exhaustives à disposition, mais relativement anciennes (2015). De plus, ces données sont par construction confrontées aux principe d’unités minimales d’interprétation qui définit les plus petits objets qui sont cartographiés. Dans le cas d’espèce, les friches ont une surface minimale de 300m². Toutefois au regard du faible rythme de requalification des friches, il semble tout de même raisonnable de quantifier ces friches à une échelle communale et intercommunale.

Les dossiers dans le cadre des appels à projets du fonds friches peuvent être les mêmes d’une année à l’autre. Ce point ne pose pas de problème a priori, puisqu’il ne s’agit pas de regarder les caractéristiques des projets, mais simplement de connaître l’attractivité de ces dernières et donc les surfaces mobilisables dans un délai contraint.

De nombreuses sources de données concernant les friches

L’objectif de cette partie est de passer en revue les deux bases de données mobilisées, afin de s’assurer de leur pertinence et d’en extraire les éléments clés.

OCS2D Une vision exhaustive mais relativement ancienne

La base de données OCS2D comprend deux postes intitulés US6.2.1‐Friches activités économiques et US6.2.2‐Délaissés urbains. Il s’agit de :

US6.2.1‐Friches activités économique

Ce sont des zones anciennement occupées par des activités économiques (industrielles, artisanales, commerciales) non encore requalifiées et dont l’arrêt de l’activité est visible : détérioration du site, développement d’une végétation spontanée…

Il s’agit généralement de grandes emprises. La reprise de végétation autour et sur les bâtiments, sur les parkings est le premier signe pour l’identification de ces espaces. Ensuite, il faut observer le niveau de détérioration des bâtiments et plus particulièrement les toitures. La confusion des jeunes friches économiques avec les espaces d’activités est forte en l’absence de signes visibles et de données exogènes.

US6.2.2‐Délaissés urbain

Il s’agit de secteurs urbains abandonnés autres que friches industrielles ou commerciales : terrains vagues, anciens terrains bâtis rasés, délaissés, … Ils sont intégrés dans ce poste des secteurs “abandonnés” en milieu urbain : ‐ les secteurs anciennement urbanisés (sauf les friches d’activités économiques à classer en US6.2.1), ‐ les secteurs anciennement agricoles (et non exploitées) se retrouvant en milieu urbain, (sauf les parcelles en frange urbaine à classer en US623), ‐ les terrains vagues, enclavés en milieu urbain.

Caractéristiques visibles : Espaces sans véritable usage visuellement hétérogènes : ‐ terrains vacants : habitations en ruine ou détruites, zones végétalisées dans l’urbain (il ne s’agit pas de prairies). Ces surfaces sont susceptibles d’être construites par la suite. ‐ friches urbaines (hors zones d’activités économiques, industrielles ou commerciales) : zones végétalisées comportant des arbustes, des buissons (aspects moutonneux à l’image) dans la trame urbaine ou en périphérie. Ces surfaces sont susceptibles d’être construites par la suite.

Confusion possible avec les friches d’activités économiques, il faut bien étudier le contexte de la zone délaissée.

Le fauchage et/ou l’entretien d’une parcelle ne préjuge pas forcément d’un usage agricole. Des délaissés urbains (US6.2.2) peuvent être entretenus et laisser penser qu’il s’agit d’une parcelle agricole : le contexte doit alors ‐ essentiellement en milieu urbain ou en frange urbaine ‐ alerter et permettre au photo‐interprète d’identifier l’usage d’une telle parcelle.

Ordres de grandeurs

On dénombre 6874 friches sur le département pour un total de 1995 Ha. Cette valeur est à mettre en comparaison des surfaces actuellement urbanisées sur le département puisqu’en 2018, le Nord a artificialisé 371 Ha, soit environ 2 fois les surfaces en friches du département.

À l’échelle intercommunale

Le graphique ci-dessous illustre plus précisément ces ordres de grandeurs en reprenant les données agrégées à l’échelle intercommunale.

Le tableau interactif ci-dessous reprend ces données.

À l’échelle communale

Bien que ces données datent de 2015, on peut tout de même conclure que les surfaces en jeu restent d’actualité, même si quelques friches ont fait l’objet d’interventions durant les 6 dernières années.

Afin d’avoir une vision plus synthétique de la répartition des surfaces en friche, on peut reprendre la carte précédente en agrégeant les surfaces à l’échelle communale.

On note que les villes de Lille et de Gravelines disposent des surfaces en friches les plus importantes avec respectivement 105 Ha et 89 Ha. Plus globalement, on note que l’Est de la MEL concentre une grande partie des friches ainsi que le bassin minier. Enfin, certains territoires sont dénués de friches comme les flandres ainsi que la Communauté de Communes du Pays de Mormal.

Le tableau interactif ci-dessous reprend les données de la cartographie.

À l’échelle parcellaire

La carte interactive suivante reprend l’ensemble des sites contenus dans la base OCS2D en 2015. N’hésitez pas à zoomer afin de mieux observer les friches.

Fonds Friches : recyclage foncier, une vision fine des friches attractives

Les données récupérées à partir des extractions du site internet démarches-simplifiées.fr filtré pour le département du Nord concernant les deux appels à projets font état de 128 éléments. Le premier appel à projet ayant réuni 65 projets pour un total de 259 Ha (dont 22, soit 163 Ha ayant été accepté). Les projets mobilisés dans le cadre du deuxième appel à projets sont du même ordre de grandeur en matière de nombre de dossiers (63) et mais avec des surfaces en friches en jeu différentes (186 Ha).

Evolution des surfaces en jeu dans le cadre du fonds friches

Le graphique ci-dessous reprend les données évoquées précédemment en précisant l’état des dossiers.

On observe qu’une majorité des surfaces en jeu en 2020 ont fait l’objet d’un dossier accepté entraînant par conséquent la possible requalification des friches associées. Bien que le nombre de dossiers est similaire entre 2020 et 2021, les surfaces associées sont nettement moins importantes pour cette nouvelle édition. Si le ratio surfaces retenues/surfaces demandées reste identique, alors on peut estimer à 117 Ha potentiellement requalifiables.

Répartition spatiale des projets déposés se trouvant sur des friches

Répartition par EPCI

Le graphique suivant reprend les surfaces en friches déposées dans le cadre des appels d’offres par EPCI :

On note également que l’ensemble des EPCI (à l’exception de la MEL et d’une moindre mesure de la CCSA) ont vu les surfaces déposées augmenter très fortement.

Le tableau interactif ci-dessous permet de visualiser l’ensemble des valeurs indiquées dans le graphique.

Répartition par commune

Les cartes suivantes représentent les surfaces en friche par commune en jeu dans le cadre des deux éditions du fonds friches.

Les projets déposés se trouvent dans les principales aires où se trouvent les friches à savoir la MEL ainsi que le bassin minier. On peut toutefois noter qu’il y a peu de surfaces déposées sur le littoral.

On observe une répartition très similaire des friches sur les deux années avec toutefois une nette différence en matière de surfaces demandées notamment entre la MEL et le bassin minier.

Le tableau suivant permet de visualiser l’ensemble des données en jeu par commune.

Synthèse des bases exploitées

Le tableau suivant reprend l’ensemble des données agrégées à l’échelle des EPCI. Les chapitres suivant détailleront les taux de résorption des friches au rythme actuel, ainsi que la part des friches dans l’artificialisation.

Croisement des données et perspectives

Recycler les friches : adéquations objectifs/moyens, temps nécessaire

Le croisement des deux bases de données analysées permet d’avoir une idée du temps nécessaire à chaque collectivité pour recycler l’ensemble de ces friches. Ce calcul est très théorique, puisqu’il ne prend pas en compte les contraintes extérieures et suppose que le fonds friches permet la requalification avec un taux identique chaque année. Les premières friches bénéficiant de ce fonds étant probablement les plus aisément mobilisables et la pérennité du fonds n’est pas à l’ordre du jour, la valeur de ce calcul est à prendre avec précaution. Il s’agit d’un simple ordre de grandeur permettant simplement d’estimer à quel niveau les moyens actuels répondent à la problématique du recyclage des friches.

Ce calcul met en avant plusieurs enseignements :

  • 3 EPCI n’ayant pas recyclé de friches dans le cadre du fonds friches ne peuvent avoir d’estimation.
  • Les années nécessaires à la résorption des friches sont très volatiles d’une année à l’autre selon les EPCI. Il n’est donc pas opportun de mettre en avant une valeur précise.

Nonobstant ces premières conclusions, il est toutefois possible de faire émerger quelques lignes directrices :

  • La CCPS et la CCSA pourraient assez rapidement résorber leurs friches au regard de la faiblesse des surfaces en présence.
  • Le reste des collectivités n’a pas déposé suffisamment de dossiers de friches pour pouvoir permettre un rythme de réponse à la problématique raisonnable.

Lutter contre l’artificialisation grâce aux recyclages des friches : quels ordres de grandeur ?

La mobilisation des friches permet d’éviter de consommer de nouveaux espaces agricoles, naturels ou forestiers. Au regard des données en présence, il est ainsi possible de comparer les surfaces en jeu en matière d’artificialisation et de friches afin de voir à quelle niveau de la demande en matière d’artificialisation, le recyclage des friches peut participer à la résolution de cet enjeu.

Le graphique suivant permet de mettre en avant le temps nécessaire si chaque collectivité artificialisait au rythme de l’année 2018 seulement sur ces friches. Il s’agit encore une fois d’un calcul théorique ne prenant pas en compte les contraintes associées à la réalité des parcelles, mais ce calcul permet de mieux appréhender le stock de surfaces en friches au regard des besoins en artificialisation actuelle des EPCI.

Cette figure permet de distinguer deux grandes catégories de collectivités :

  1. Les EPCI se trouvant dans le haut du graphique dispose d’une offre de friche très importante au regard de leur artificialisation (>10 années). On peut aisément supposer qu’il leur est plus facilement possible de s’appuyer sur ce foncier en friche pour répondre aux besoins associés à l’artificialisation.
  2. La majorité des EPCI se trouvent avec un stock de surfaces en friches de l’ordre de leur rythme d’artificialisation (entre 2 et 3 années). On pourrait alors penser que le recyclage de ces friches permettrait de répondre aux besoins liés à l’artificialisation et ainsi résorber les friches et limiter l’artificialisation. Ces propos sont à nuancer car on pourrait également supposer que ces collectivités se trouvent ainsi moins soumises à la pression foncière et la faible offre relative de friches ne permettrait de répondre que partiellement à la problématique.

Ces données peuvent être agrégées à l’échelle du département, afin d’estimer le rapport entre l’offre de friches et le besoin actuel d’artificialisation. Ce rapport à l’échelle départementale est de l’ordre de 5.4 années d’artificialisation.

Bien que ces valeurs soient à prendre avec précaution, on peut toutefois conclure que le rapport entre l’offre de friches et la demande d’artificialisation est très hétérogène sur le territoire et que le recyclage des friches n’est pas systématiquement à la hauteur pour lutter contre l’artificialisation.

Lutter contre l’artificialisation grâce au fonds friches : quels ordres de grandeur en jeu ?

Le graphique suivant reprend la démarche précédente en analysant cette fois-ci les surfaces recyclées dans le cadre du fonds friches

Ce graphique permet de faire émerger les enseignements suivants :

  • On constate que seules 5 collectivités ont un taux supérieur à 0.
  • Les EPCI n’ayant pas de taux étant ceux n’ayant pas eu de surfaces retenues dans le cadre de l’appel à projets.
  • Les EPCI se trouvant en bas du graphique ont un taux si faible que l’on peut considérer que l’apport de cet appel à projet pour lutter contre l’artificialisation est inexistant.
  • Les friches retenues dans le cadre du fonds friches 2020 pour la CUD et la CCPS représentent entre 19 et 26% des surfaces artificialisées en 2018.
  • Les surfaces retenues dans le cadre du fonds friches 2020 pour la CCSA et la MEL sont très importants car ils représentent entre 2 et 4 fois les surfaces artificialisées par ces EPCI.

La mise en perspective des surfaces recyclées par le fonds friches au regard des artificialisations respectives permet de dégager un bilan très contrasté en fonction des collectivités.

Limites

Plusieurs remarques peuvent être émises suites à la réalisation de cette étude :

  • Le fait que les dossiers de 2021 n’ait pas été encore retenus ne permet de vérifier si le taux de surfaces retenues/surfaces déposées est identique. L’hypothèse d’un taux constant ayant des impacts lors de l’analyses du taux de recyclage du foncier.
  • La prise en compte d’une seule source concernant le recyclage des friches (fonds friches) ne permet pas de cerner totalement la problématique. D’autres acteurs participent à la requalification des friches tels que l’Établissement Public Foncier (EPF), l’ADEME ou encore les bailleurs sociaux, etc.
  • Bien que des précautions d’usage aient été rédigées dans le document, les ordres de grandeurs indiqués n’ont qu’un caractère très approximatif et permettent de mettre en avant la difficulté d’appréhension du phénomène ainsi que les différences entre les collectivités.

Discussion

Un suivi plus précis des friches en analysant également les autres dispositifs tels que les projets suivis par l’EPF et l’ADEME, ainsi qu’une mise à jour fréquente permettrait de mieux saisir les ordres de grandeurs en jeu et de mieux catégoriser la marge de manœuvre de chaque territoire.

De plus, le recyclage des friches urbaines peut également être un outil permettant de renaturer des espaces urbains en déficit d’aménités afin de lutter contre les effets d’îlots de chaleur ou encore afin d’améliorer le bien-être de la population.

Conclusions

Cette étude permet de mettre en lumière la part relative du recyclage des friches dans la lutte contre l’artificialisation. Cette part est variable en fonction des territoires. Il y a 5 fois plus friches que de surfaces artificialisées chaque année. Toutefois, en ne considérant que le fonds friches, le rythme de recyclage de ces friches ne permettra pas d’atteindre un recyclage complet et ne participera que très ponctuellement à la lutte contre l’artificialisation en fonction des territoires.