Sans surprise, l’activité montagne 2020 a été fortement impactée par la crise du covid-19. De nombreux professionels craignaient une désertion des massifs alpins en raison des contraintes sanitaires et de la réduction drastique du tourisme international. Il semble cependant que la pratique de la montagne se soit maintenue, notamment durant la saison estivale.
Si l’on s’arrête sur le nombre d’interventions du secours en montagne sur l’ensemble de la Haute-Savoie, on observe des niveaux similaires aux moyennes des années précédentes à l’exception notable du massif du Mont-Blanc (cf. infra). En revanche, un examen plus attentif fait ressortir une accidentologie 2020 qualitativement assez différente. On relève ainsi des écarts significatifs dans les répartitions spatiales (I) et temporelles (II) des accidents, tandis que l’étude de leurs caractéristiques (III) fait également ressortir des typologies particulières en cette année 2020.
Les adaptations des pratiques dans ce contexte particulier, auquelles s’ajoutent celles plus structuelles liées aux modifications de la montagne induites par le réchauffement climatique, ont eu un impact direct sur l’accidentologie. Comprendre ces évolutions doit permettre d’ajuster la prévention à destination des pratiquants.
| Année 2020 | Moyenne 09-19 | |
|---|---|---|
| Accidents | 718 | 841 |
| Victimes | 968 | 1164 |
| Décès | 28 | 37 |
| Année 2020 | Moyenne 09-19 | |
|---|---|---|
| Accidents | 1528 | 1481 |
| Victimes | 1886 | 1900 |
| Décès | 74 | 91 |
NB1: Dans la suite, les données annuelles sont calculées du 1er decembre de l’année n-1 au 30 novembre de l’année n afin de conserver une cohérence sur l’accidentologie associée aux sports d’hiver.
NB2: Le détail des méthodes, tests et choix de paramètres est renvoyé en annexe
On s’intéresse d’abord à la répartition spatiale des accidents. Pour cela, on trace l’écart entre la densité absolue d’accidents moyenne des 5 dernières années et celle relevée en 2020. Nous séparons ici les saisons hivernale (novembre - avril) et estivale (mai-octobre). L’échelle chromatique permet de différencier les déviations positives (jaunes-rouges) et négatives (bleues). Celles qui ne sont pas statistiquement significatives restent en blanc. Ces densités sont calculées en km-2.
Le confinement décrété fin mars se traduit ici par une baisse significative du volume d’accident sur l’ensemble des domaines skiables. Seul le domaine des Portes du Soleil ne présente pas de différence significative avec la normale, mais il s’agit d’une zone où les interventions des secours d’Etat sont d’ordinaire relativement rares en raison des moyens d’assitance étoffés mis en place par la station. La zone rouge observée sur Chatel correspond vraisemblablement à un artefact statistique.
La haute montagne a également été délaissée à une période d’ordinaire propice à la pratique du ski de randonnée et de l’alpinisme. La baisse est particulièrement marquée sur les itinéraires de la vallée blanche.
En dépit des inquiétudes initiales, le niveau de fréquentation estival de la montagne semble s’être maintenu à un niveau assez élevé en Haute Savoie. Et ce, malgré l’absence d’une grande partie de la clientèle étrangère. Ainsi, l’activité secours s’établit au dessus de la normale dans de nombreux secteurs de moyenne montagne. Les activités principalement concernées ici sont le parapente et la randonnée pedestre (cf. IV).
Pour la randonnée, on note une activité remarquable en fond de vallée de Chamonix et sur beaucoup d’itinéraires classiques des Aravis, des Fiz, du Chablais et de la vallée verte. Le Salève et le Haut Giffre affichent en revanche une accidentologie dans les ordres de grandeurs habituels.
L’enjouement pour le vol libre de ces dernières années ne semble pas faiblir. En tout état de cause, les zones de vol en bord du lac d’Annecy se sont révélées particulièrement accidentogènes (Tournette, Veyrier et Talloire-Montmin)
Pour ce qui est de l’alpinisme, le transfert de la pratique depuis le massif du Mont-Blanc vers les Aiguilles Rouges se poursuit dans la vallée de Chamonix. Cette tendance marquée depuis quelques années est probablement dicté par les conditions de plus en plus souvent dégradées en haute montagne. Ainsi, les interventions ont été nombreuses dans les voie rocheuses des Aiguilles Rouges tandis qu’elles sont restées anormalement rares dans les bassins Midi-Maudit-Géant. Il convient toutefois de noter l’activité élevée dans les secteurs de Tricot-Bionnassay et de l’Aiguille du Moine.
Enfin, il est surprenant de relever un volume de secours relativement standard sur la voie normale du Mont-Blanc, compte tenu de la forte proportion de cordées d’étrangers observée habituellement sur l’itinéraire. A l’opposé, la voie des trois Monts est restée très peu parcourue en raison de conditions particulièrement défavorables.
En s’attardant sur le nombre de secours journaliers, on voit immédiatement l’effet du premier confinement avec un arrêt total de l’activité secours. En dehors de cette période, le volume d’intervention sur le massif du Mont-Blanc est resté dans les valeurs habituelles.
La situation sur le département de la Haute-Savoie en dehors du massif du Mont-Blanc est très différente. Le début de saison hivernale a affiché une accidentologie légèrement au dessus de la moyenne; avant que le confinement ne la ramène à zéro. A l’issue, le rebond a été très important au mois de juin, générant une activité très élevée pour la période. La suite de la saison estivale est restée très soutenue bien que l’écart relatif à la moyenne ait été un peu plus faible.
On réalise une analyse factorielle des accidents 2020 en considérant les variables suivantes:
On construit a partir de cette analyse, six grandes classes d’accidents (cf. annexe). Ces profils s’appuient sur les écarts significatifs des variables par rapport à la moyenne globale.
Profil 1
Profil 2
Profil 3
Profil 4
Profil 5
Profil 6
Dans cette dernière partie on s’attarde sur les particularités de l’accidentologie 2020 par rapport à la moyenne des 10 dernières années.
NB: Dans les tables qui suivent, la significativité des écarts est représentée de manière symbolique:
Nous n’avons pas relevé d’écarts inhabituel sur le taux d’encadrement des sorties ayant généré des accidents. De même, la distribution des circonstances de ces accidents coincide en grande partie avec celle observée d’ordinaire. Notons toutefois le nombre très faible de chute en crevasses. Seulement six pour une moyenne 09-19 de 18.5 (***). Le confinement du printemps ne suffit probablement pas à expliquer cette valeur. La baisse générale de la pratique des bassins glaciaires évoquée plus haut n’y est sans doute pas complètement étrangère.
Les accidents impliquant principalement des femmes sont légèrement sur-représentés. Ce peut être lié à une certaine démocratisation des pratiques, et notamment le developpement de groupes entièrement féminins. L’explication n’est cependant pas évidente.
Par ailleurs, la répartition des nationalités des victimes est tout à fait singulière. Les étrangers ont été moins nombreux tandis que les français l’ont été davantage. Il est étonnant de constater que ces deux variations se compensent mutuellement.
| 2020 | Moyenne 2009-2019 | Significativité | |
|---|---|---|---|
| Etranger - Autre | 69 | 113.5 | * * * |
| Etranger - Européen | 276 | 388.0 | * * * |
| Français | 1183 | 979.5 | * * * |
On s’interesse ici à la gravité des accidents (et non au decompte des victimes). C’est à dire aux blessures de la victime principale. Les accidents mortels traumatiques ont été sensiblement moins nombreux qu’à l’accoutumée. Il parait cependant difficile d’attribuer ce résultat à une mesure particulière. Dans le même temps, les médicalisations et hospitalisations ont été importantes. On remarque que par “chance”, plusieurs accidents très graves se sont terminés par des blessures sévères, mais sans entrainer la mort. Ceci explique en partie les valeurs relevées.
| 2020 | Moyenne 2009-2019 | Significativité | |
|---|---|---|---|
| Blessé | 1001 | 956.6 | . |
| Décédé non traumatique | 19 | 19.2 | . |
| Décédé traumatique | 46 | 58.2 | * * * |
| Disparu | 1 | 2.2 | . |
| Indemne | 328 | 301.5 | . |
| Malade | 133 | 143.2 | . |
| Médicalisation | 977 | 894.5 | * * |
La physionomie des activités à l’origine des accidents est tout à fait atypique cette année. Le confinement du printemps a pesé sur l’activité Alpinisme en fermant une période d’ordinaire propice à l’activité. De même, les chiffres des sports de glisse sont en retrait, en raison de la fermeture prématurée des domaines skiables.
La nouvelle clientèle rencontrée cet été s’est prioritairement orientée vers la randonnée pedestre. On a ainsi constaté une forte accidentologie liée à cette discipline.
Enfin, la poursuite du developpement de la pratique du VTT se ressent sur le nombre de secours induits. L’essort des vélos électriques accélère cette tendance, notamment dans la vallée de Chamonix où cette activité était restée relativement marginale jusque recemment.
| 2020 | Moyenne 2009-2019 | Significativité | |
|---|---|---|---|
| Alpinisme | 214 | 276.3 | * * * |
| Autres | 115 | 122.7 | . |
| Divers Sports | 55 | 33.5 | * * * |
| Escalade | 20 | 24.3 | . |
| Glisse | 455 | 521.6 | * * * |
| Randonnée | 459 | 347.7 | * * * |
| Vol libre | 103 | 92.0 | . |
| VTT | 107 | 62.8 | * * * |
Le contexte particulier de l’année 2020 a sensiblement modifié l’accidentologie montagne sur le département de la Haute-Savoie, bien que les chiffres globaux soient restés relativement stables. Malgré les contraintes imposées au secteur touristique, les activiés de plein air et les massifs alpins sont restés attractifs. De nouveaux publics se sont tournés vers la montagne, sans toujours bien connaitre les risques associés. Ils demeurent la cible privilégiée des campagnes de prévention. Actions qui restent incontournables.
title: Accidentologie associée aux activités de montagne en Haute Savoie - Année 2020
author: remi.pelisson
date: 2021-01-01 20:45:12