Application : Marché de l’électricité, faut-il un monopole?

Notions : Monopole ; Recette moyenne ; Recette marginale ; Coût marginal ; efficacité du monopole ; Preneur de prix / faiseur de prix

Document 1 : L’équilibre du monopole

Document 2 : Article du journal Le Monde paru le 9 juin 2016

« En matière d’électricité, un bon monopole vaut mieux qu’un mauvais marché »

Pendant longtemps, l’électricité en France était produite, transportée et distribuée par un monopole public, EDF. (…) A partir des années 1990, le paysage est balayé par le souffle de deux courants largement idéologiques : la concurrence et l’Europe. Pour l’électricité, un modèle de marché va s’imposer.

(…) Tous les économistes savent que [le marché] est un formidable mécanisme pour raboter les rentes, susciter les innovations, générer l’efficacité. Mais ils savent aussi que cela est seulement vrai lorsque le marché fonctionne ; et qu’il ne fonctionne pas toujours. Ils ont depuis belle lurette dressé la liste des « pannes du marché » : présence d’externalités, biens publics purs, etc. Dans ces cas-là, le marché, incapable d’apporter ses admirables bienfaits, doit être ou corrigé ou remplacé.

Tel est justement le cas de l’électricité.

Tout d’abord, il n’y a pas de concurrence possible pour le transport et la distribution d’électricité (dont le coût est presque aussi élevé que le coût de la production d’électricité), qui restent donc des monopoles contrôlés. Qu’à cela ne tienne, on saucissonne la fourniture d’électricité en trois morceaux : production, transport et distribution. (…) La plupart des techniques de production de l’électricité (de l’hydraulique à l’éolien, en passant par le nucléaire) sont hautement capitalistiques : gros investissements, puis petites dépenses de fonctionnement. Le coût de production d’un kWh de plus (dit « marginal ») est principalement ce coût de fonctionnement – et il est inférieur au coût total.

Le prix qui s’établit sur le marché de gros de l’électricité reflète ce coût marginal. Le producteur qui vend à ce prix-là perd donc sa chemise. (…)

Le marché optimise sans doute l’usage des centrales existantes, mais sûrement pas la création de centrales nouvelles. Comme personne n’est prêt à investir dans un système structurellement déficitaire, l’ombre de la « Grande Panne » se profile à l’horizon. (…). En matière d’électricité, un bon monopole vaut probablement mieux qu’un mauvais marché.

Rémy Prud’homme, Professeur émérite de l’université Paris Est Créteil Val de Marne

Questions :

Question 1 : Comprendre ce que représentent la recette moyenne et la recette marginale pour le monopole

  1. Alors qu’un entrepreneur en concurrence pure et parfaite est « preneur de prix », on dit que le monopole est « faiseur de prix ». Expliquez ce que cette expression signifie. Est-ce que le monopole peut fixer le prix totalement comme bon lui semble ?

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    Un offreur est « faiseur de prix » s’il peut vendre le bien qu’il produit à un prix supérieur au coût marginal. Cependant, il doit avoir à l’esprit qu’il ne pourra pas écouler n’importe quelle quantité au prix choisi : il doit tenir compte de la demande. Alors qu’en concurrence pure et parfaite, le producteur peut écouler n’importe quelle quantité au prix de marché, le monopole va choisir un couple prix-quantité : pour un prix choisi, il aura un certain nombre de consommateurs prêts à acheter son bien.
    Prenons l’exemple de Marcel qui produit scoubidous. => Si le marché du scoubidou est en concurrence pure et parfaite, et que le scoubidou s’échangecouramment à 1 schmilblick la douzaine, Marcel est preneur de prix : il ne peut pas vendre sa douzaine de scoubidous à 1,20 schmilblicks car les consommateurs se tourneront immédiatement vers ses concurrents. Si Marcel veut vendre des scoubidous, il doit les vendre à 1 schmilblick la douzaine. En revanche, du moment qu’il se plie à ce prix, il peut en vendre autant qu’il le souhaite. C’est à lui de choisir s’il est préférable de produire 2 douzaines, 20 douzaines ou 1000 douzaines de scoubidous.Il choisit la quantité produite, mais accepte le prix de marché.

    => Si maintenant Marcel a le monopole du scoubidou, il peut choisir à quel prix il vendra ses scoubidous, car les consommateurs n’auront personne d’autre vers qui se tourner. Cependant, s’il décide de vendre une douzaine de scoubidous pour 150 schmilblicks, il n’aura que 2 ou 3 consommateurs prêts à les lui acheter, car rares sont les grands fanatiques de scoubidous prêts à payer ce prix exorbitant. S’il vend ses scoubidous 3 schmilblicks la douzaine, il aura beaucoup plus de clients. Ainsi, quand il choisit le prix auquel il vend sa production (il est « faiseur de prix ») ce choix impose une quantité d’échange. Pour un certain prix, il y a un certain nombre de consommateurs prêt à acheter le bien. Marcel choisit désormais un couple prix-quantité.


  2. Qu’est-ce que la recette moyenne ? Donnez en une définition.

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    Il s’agit de la recette totale divisée par le nombre d’unité vendues, soit le montant rapporté en moyenne par une unité vendue. Si le monopole vend tous ses biens au même prix, il s’agit tout simplement du prix.

    Bonus : Un producteur en monopole pourrait vendre son bien à différents prix, « selon la tête du client ». On ne se représente pas facilement l’idée pour un monopole de scoubidou, mais c’est le cas pour d’autres biens que vous avez en tête. Une place de théâtre peut être vendue à des prix différents selon l’âge du client par exemple. C’est le cas aussi des billets de train… Dans ce cas, la recette moyenne sera le prix moyen de vente du bien, mais si ce prix est le même pour tous, la recette moyenne est tout simplement égale au prix


  3. Sur le graphique du document 1, il est écrit « demande = recette moyenne ». Comment expliquez-vous que les deux coïncident ? Si l’offre du monopole était éclatée entre plusieurs entreprises qui se faisaient concurrence, que se passerait-il ? est-ce que la recette moyenne correspondrait à la demande ? Sinon, à quoi correspondrait-elle ?

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    Comme précisé à la question 1, le prix auquel le monopole va vendre son bien dépend de la quantité qu’il va produire et inversement, car le monopole va servir toute la demande. C’est la courbe de demande qui indique la quantité que les consommateurs sont prêts à acheter pour chaque prix, c’est donc la courbe de demande qui indique au monopole le prix auquel il pourra vendre la quantité qu’il va choisir de produire, donc sa recette moyenne. Si une entreprise est en concurrence pure et parfaite, sa recette moyenne correspond aussi au prix auquel il va vendre sa production, mais ce prix est fixe et établi par le marché. En concurrence, l’entreprise est toute petite face au marché, et quel que soit la quantité qu’elle choisit de produire, elle l’écoulera au même prix qui se représente par une droite horizontale.


    Marcel, le Roi du Scoubidou - MONOPOLE
    Marcel, le Scoubidou Modeste - CONCURRENCE


    Exemple :

    => MONOPOLE. Marcel le roi du scoubidou va servir toute la demande de scoubidous représentée par la droite ci-contre. La droite de demande nous dit que pour un prix de 20 schmilblicks la douzaine, les consommateurs demandent 4000 douzaines de scoubidous. Si on baisse le prix à 10 schmilblicks la douzaine, les consommateurs demandent 8000 douzaines de scoubidous. Par conséquent, si Marcel décide de produire 8000 douzaines de scoubidous, il sait qu’il pourra vendre au prix de 10 schmilblicks la douzaine. Il ne pourra pas vendre plus cher cette quantité : au-dessus de 10 schmilblicks la douzaine, il y a des consommateurs que le scoubidou n’intéresse plus. S’il veut vendre plus cher, il doit produire moins. Donc quand Marcel choisit la quantité qu’il va produire, il regarde la demande pour savoir à quel prix il va pouvoir l’écouler. C’est la demande qui lui donne sa recette moyenne, la recette qu’il fera en moyenne par unité produite.

    => CONCURRENCE. Marcel le scoubidou modeste est tout petit face au marché. Il y a des milliers d’autres producteurs de scoubidous. Quand Marcel décide de produire plus ou moins, c’est une goutte d’eau dans le grand océan de la production de scoubidous. Marcel ne peut qu’observer à quel prix se vend couramment la douzaine de scoubidous, et choisir une quantité qu’il vendra de toute façon à ce prix, car quoiqu’il décide, ça ne changera pas le prix de marché. Qu’il choisisse de produire 2 ou 5 douzaines de scoubidous, il vendra toujours sa douzaine au prix de 5 schmilblicks, le prix de marché. Sa recette moyenne est donc une droite horizontale


  4. Qu’est-ce que la recette marginale ? Donnez en une définition.

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    La recette marginale est ce que rapporte au producteur la dernière unité vendue.


  5. Sur le graphique du document 1, la recette marginale est décroissante. Pourquoi ? Si on était en concurrence pure et parfaite, comment serait la recette marginale ?

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    Le monopole ne peut pas vendre n’importe quelle quantité pour un même prix. Pour chaque prix qu’il fixe, il y a un certain nombre de consommateurs prêts à lui acheter son bien. S’il veut en vendre plus, il est obligé de fixer un prix plus bas. Ainsi, la recette marginale, ce que rapporte la dernière unité vendue, est de plus en plus basse, elle est donc décroissante.
    Si on était en concurrence pure et parfaite, la recette marginale serait constante : n’importe quelle quantité se vendrait au prix de marché, donc la dernière unité vendue rapporterait toujours le même prix


Question 2 : L’équilibre du monopole

  1. Supposons que le monopole, comme n’importe quelle entreprise privée, veuille maximiser son profit. Quelle quantité doit-il produire ? Expliquez pourquoi il s’agit de la quantité q(monopole) sur le schéma du document 1.

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    Le monopole va continuer de produire tant que la dernière unité qu’il a produite lui rapporte plus qu’elle ne coûte. C’est-à-dire tant que la recette marginale est supérieure au coût marginal. Il s’arrête de produire quand Rm = Cm, ce qui sur le schéma du document 1 correspond à q(monopole).


  2. Sur le schéma du document 1, on vous reporte le prix p(monopole) que va fixer le monopole pour vendre son bien. Ce prix est-il égal au coût marginal ? Si on était en concurrence pure et parfaite, le prix serait-il plus ou moins élevé qu’avec le monopole ?

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    Si le monopole met en vente la quantité q(monopole), il peut l’écouler au prix p(monopole), qui est donné par la droite de demande (équivalent à la recette moyenne). En effet, la droite de demande rapporte le nombre d’unités demandées par les consommateurs pour chaque prix. On voit sur le schéma que ce prix est supérieur au coût marginal pour cette quantité. C’est parce que le monopole a un pouvoir de marché. Si on était en concurrence pure et parfaite, l’entreprise, vendrait une quantité telle que le prix soit égal au coût marginal. En concurrence pure et parfaite, le prix serait plus bas.


Question 3 : Application au marché de l’électricité

  1. Dans l’article du document 2, il est dit que la production d’électricité demande de gros investissements de départ mais ensuite qu’elle nécessite de « petites dépenses de fonctionnement ». Comment traduiriez-vous cela avec les notions d’économie que vous avez apprises ? Si la production d’électricité est assurée par un monopole, de quel type de monopole s’agit-il (d’après vos connaissances de cours) ?

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    Il y a un coût fixe important pour produire de la première unité d’électricité, ce coût représente une barrière à l’entrée. Ensuite, pour en produire d’autres, les dépenses sont « petites », cela signifie que le coût marginal de production est faible. Il peut donc s’agit d’un monopole « naturel »


  2. Pourquoi l’auteur de l’article défend-il l’idée que le monopole est plus efficace que le marché pour la production d’électricité ?

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    Dans le cas d’un monopole naturel, le coût marginal est très bas. Si on souhaite un marché concurrentiel pour vendre l’électricité, le prix de l’électricité sera égal à son coût marginal de production, donc le prix sera très bas. Il peut être si bas qu’il ne permette pas de couvrir les coûts fixes d’ouverture d’une centrale. L’auteur de l’article dit que cela pourrait conduire à une pénurie d’électricité.