Approfondissement : Taxes, pente des courbes et surplus

Notions : Pentes des courbes d’offre et de demande ; surplus du consommateur ; taxe et déplacement de la courbe d’offre

Document 1 : Article du Journal Le Monde du 2 juillet 2019

Après avoir été tabou pendant des siècles, la question des règles fait peu à peu son apparition dans la sphère politique. Au 1er janvier 2016, la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) a été baissée à 5,5 % sur les protections périodiques, alors qu’elles étaient jusqu’à présent taxées à 20 %, autant que les produits de luxe. En 2018, l’Écosse est allée plus loin en distribuant gratuitement ces produits d’hygiène aux écolières et étudiantes – une initiative qui devrait être expérimentée prochainement dans les écoles, hôpitaux ou prisons en France pour lutter contre la « précarité menstruelle ».
La question est loin d’être anecdotique. Bien que les situations personnelles varient, les premières règles apparaissent généralement entre 11 et 14 ans (13,1 ans d’âge médian) et se poursuivent jusqu’à la ménopause, qui survient entre 45 et 55 ans, avec une médiane autour de 51 ans. (…) En France, l’ensemble des femmes de 13 à 51 ans correspond à 15,5 millions de personnes, soit près d’un quart de la population totale en 2018. Combien coûtent les règles pour chacune de ces femmes ? Et pour combien d’entre elles cette dépense est-elle un fardeau ? En l’absence d’études françaises sur le sujet, nous avons tenté d’établir des estimations. (…) Même avec une estimation basse, le coût avoisinerait 100 à 150 euros par an (…) Dixeuros par mois, ou moins, cela peut sembler négligeable pour la plupart des Françaises. Mais pour les femmes en situation de précarité, il s’agit d’une dépense de plus qui vient miner le pouvoir d’achat et qui ne peut pas être contournée ou différée. La « précarité menstruelle » touche en premier lieu :

  • les personnes sans domicile fixe (…) (au moins 40 000 femmes sans abri concernées)
  • les étudiantes pauvres. (…) Selon un rapport de 2015 (…), cela correspond à 270 000 étudiantes dans le besoin ;
  • les plus précaires (…) soit 1,6 million de femmes entre 13 et 51 ans.


Baisse de TVA, remboursement… des pistes pour réduire le coût
Une première étape a été franchie, non sans difficultés, le 1er janvier 2016, avec la suppression de la « taxe tampon ». Plusieurs collectifs féministes estimaient injuste que les protections hygiéniques soient taxées comme des produits de luxe à hauteur de 20 %. Après un premier rejet à l’Assemblée nationale, les parlementaires ont réduit la TVA à 5,5 % sur les serviettes et tampons.
Certains opposants craignaient que cette baisse de taxe ne soit pas répercutée aux consommatrices et profite surtout aux fabricants et distributeurs. Trois ans et demi après, aucun bilan officiel n’a été tiré. Plusieurs indices montrent toutefois que la baisse de TVA a été répercutée au moins en partie :

  • le collectif Georgette Sand, à l’origine de la demande, estime que « les grandes enseignes des centres commerciaux et les sites spécialisés ont joué le jeu » (…)
  • Benoît Chauvin, cofondateur du collectif Objectif transition, avait relevé près de 2 800 références de prix juste avant et juste après la baisse de TVA et avait alors constaté une baisse de 12 %. (…)
  • les chiffres d’affaires du secteur en grande distribution, relevés par LSA ont suivi cette même courbe, baissant de 17 % entre 2015 et 2016, sous l’effet de la baisse de TVA, mais aussi de l’essor de produits alternatifs, avant de remonter légèrement en 2017 et 2018.

Le marché des protections périodiques a baissé de 13,4 % depuis la mise en place de « taxe tampon » La chute des ventes de serviettes, protège-slips et tampons en grande surface s’explique par la modification de la fiscalité mais aussi par l’essor de produits alternatifs, selon l’hebdomadaire spécialisé LSA. (…)

Document 2 : La TVA dans les recettes de l’Etat

Document 3 : Incidence de la taxe selon la pente de la demande

Questions

  1. Question 1 : Équilibre partiel et taxe
    1. Faites un schéma de l’équilibre partiel de l’offre et de la demande sur le marché des protections périodiques, en supposant que c’est un marché concurrentiel.
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      Pour réaliser le schéma, il faut toujours se rappeler que par convention on se place dans un repère avec les quantités en abscisses et les prix en ordonnées. C’est contre-intuitif, et c’est pour ça que le risque de se tromper est élevé, et lourd de conséquence ! En effet, les consommateurs et les producteurs choisissent les quantités en fonction des prix, mais ce raisonnement, on le doit à Léon Walras, alors que les graphiques, on les doit à Alfred Marshall, qui pensait dans l’autre sens… il n’y a pas besoin de retenir cette anecdote de l’histoire de la pensée économique, juste retiens bien qu’il faut faire TRES ATTENTION à mettre les prix en ordonnées et les quantités en abscisses, car sinon, c’est source de grosses erreurs pour la suite… Le moyen mnémotechnique, c’est de penser « PQ » en écrivant de gauche à droite…



      On trace une offre croissante en fonction du prix. L’offre correspond à l’agrégation des offres individuelles, et plus le prix est élevé, plus les offreurs produisent et mettent en vente de protections hygiéniques. La demande est décroissante en fonction du prix. Elle correspond à l’agrégation des courbes de demande individuelles. Plus le prix est élevé, moins les acheteuses consommeront de protections hygiéniques (car leur contrainte budgétaire va se resserrer, et elles vont tenter de substituer d’autres systèmes à celui des protections). Le schéma correspondra à la courbe d’offre noire (sans la taxe) et à la courbe de demande bleue du document 3.

    2. Si l’offre est taxée, comment va se déplacer la courbe d’offre ? Comment la quantité échangée va-t-elle varier par rapport à la situation d’équilibre sans la taxe ? Et le prix ?
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      Lorsqu’il y a une taxe, le plan des offreurs est modifié. Ils intègrent le coût de la taxe dans leur calcul. Le consommateur va payer un prix TTC - « toutes taxes comprises » - mais l’offreur ne va pas récupérer le montant de la taxe. Donc pour un prix TTC donné, il va offrir moins qu’avant. La courbe d’offre se déplace vers la gauche et vers le haut.

      Sur le document 3, tu peux vérifier que pour un prix donné (en traçant une droite horizontale), la quantité offerte est moindre sur la courbe d’offre en rouge (avec la taxe) que la courbe d’offre en noire (sans la taxe). C’est parce que le consommateur paye le même prix dans les deux cas, mais l’offreur, lui, ne récupère pas le même prix. Dans un cas, il paye la taxe, et donc pour le même prix côté consommateur, il offre moins.

      Pour connaître la nouvelle quantité échangée et le nouveau prix d’équilibre, on cherche le point de rencontre entre l’offre taxée et la demande. On voit sur le schéma du document 3 que le prix augmente par rapport à l’équilibre précédent, et la quantité échangée diminue.

  2. Question 2 : Taxe et pente des courbes
    1. Étudiez attentivement le document 3. Dans le cas n°1, la demande est assez verticale, tandis que dans le cas n°2, elle est plutôt horizontale. Quelle est la signification économique de ces deux formes de demande ?
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      La demande est décroissante. Cela veut dire que si on augmente le prix des protections hygiéniques, les femmes en achèteront moins. Mais elles peuvent être plus ou moins sensibles au prix.
      Lorsque la demande est verticale, elle est rigide, donc peu sensible au prix. Cela veut dire que même si le prix des protections hygiéniques augmente beaucoup, la quantité demandée diminuera très peu. Cela veut dire que c’est un bien dont les femmes ne peuvent pas se passer facilement, même si cela grève leur budget.
      Lorsque la demande est plutôt horizontale, elle est élastique, donc très sensible au prix. Cela veut dire que si le prix des protections hygiéniques augmente un peu, les femmes en achèteront tout de suite beaucoup moins. Cela veut dire que c’est un bien qu’elles peuvent facilement remplacer, ou dont elles peuvent tout simplement se passer. Pour une même augmentation de prix, la quantité diminue plus fortement lorsque la demande est plutôt horizontale que lorsqu’elle est plutôt verticale.

    2. Commentez la différence d’incidence de la taxe dans les deux cas : est-ce que l’effet de la taxe sur les quantités et le prix est le même ? Quelles sont les différences ?
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      On voit sur le document 3 que si l’offre est taxée, dans le cas où la demande est rigide, le prix augmente beaucoup et les quantités diminuent peu. Si la demande est élastique, le prix n’augmente pas beaucoup, mais les quantités diminuent fortement.

      En fait, les offreurs essaient de « faire payer » la taxe aux consommatrices. Si la demande est rigide, ça marche. Les femmes ont besoin des protections hygiéniques, si on leur fait payer plus cher, elles « acceptent ». Tant pis, il faudra bien débourser, il est inenvisageable de toute façon de ne pas avoir de protections hygiéniques !
      Si la demande est élastique, ça ne marche pas. Les consommatrices voient le prix augmenter, elles trouvent d’autres solutions. Elles investissent dans une coupe menstruelle, confectionnent des serviettes hygiéniques lavables, c’est bio !

    3. Donnez une définition du surplus du consommateur. Sur le schéma, quelle surface représente ce surplus pour un équilibre sans la taxe ? Même question pour le cas où l’offre est taxée.
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      Le surplus du consommateur est la différence entre le prix qu’il aurait été prêt à payer pour chaque unité consommée, et le prix qu’il paie effectivement. C’est-à-dire la différence entre la courbe de demande (le prix qu’il aurait accepté de payer en fonction de la quantité) et la droite horizontale du prix d’équilibre (le prix qu’il paie). C’est donc la partie avec les **** sur les schémas du document 3. Sans la taxe, on a la partie blanche + la partie grise avec les étoiles (équilibre 1). Avec la taxe on a seulement la partie blanche avec les étoiles. Quand on instaure une taxe, le surplus du consommateur diminue. Si tu as des difficultés à comprendre la notion de surplus, tu peux refaire des exercices d’application sur le surplus. (inclure un lien pour renvoyer vers ces exercices)

    4. Dans quel cas le surplus du consommateur diminue-t-il davantage ?
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      Le surplus du consommateur diminue davantage si la demande est rigide. C’est dans ce cas là qu’on peut dire que les consommatrices « payent » la taxe, plutôt que les offreurs. Même si c’est l’offre qui est taxée, les offreurs arrivent à répercuter ce coût sur les consommatrices, parce qu’elles sont prêtes à payer cher un bien dont elles ne peuvent se passer…

  3. Question 3 : Lecture de documents
    1. Le document 2 montre la répartition des recettes nettes de l’État. Quelle est l’importance de la TVA dans ces recettes ? Comparez les recettes de TVA à celles obtenues grâce à l’impôt sur le revenu
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      La TVA représente 51,7% du budget de l’Etat. L’impôt sur le revenu représente 24,2% du budget de l’Etat, soit 27,5 points de différence.

    2. Le document 1 dit que l’âge médian des premières règles est de 13,1 ans. Qu’est-ce que cela signifie ?
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      Cela signifie que 50% des filles ont leurs premières règles avant l’âge de 13,1 ans, tandis que 50% des filles ont leurs premières règles après.

      Ce n’est pas pareil que l’âge moyen, qui est plus bas, autour de 12 ans et demi. C’est parce que parmi la moitié des filles qui ont leurs règles avant 13,1 ans, il y a des plus grandes différences, certaines sont réglées très jeunes, d’autres proches de 13 ans. Parmi la moitié qui a ses règles après, on est davantage « tassé » pas très loin des 13 ans.

    3. Le document 1 dit, à propos d’une baisse de la TVA sur les protections périodiques :
      « Certains opposants craignaient que cette baisse de taxe ne soit pas répercutée aux consommatrices et profite surtout aux fabricants et distributeurs. »
      Expliquez cette phrase. Pourquoi la baisse de la taxe pourrait ne pas être répercutée aux consommatrices ? Rapportez ce concept à celui de la pente des courbes d’offre et de demande.
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      On a vu grâce à l’analyse du document 3 que lorsque la demande est rigide, ce sont les consommateurs qui payent davantage la taxe : le prix augmente beaucoup, la quantité vendue diminue peu, le surplus des consommateurs diminue beaucoup. Si la demande est élastique, au contraire la taxe est payée plutôt par les fabricants. La phrase du document 1 sera donc vraie si la demande de protections hygiéniques est élastique, donc si on pense que c’est facile pour les femmes de s’en passer, et que la taxe les conduit à se reporter vers d’autres produits de substitution. Si ce sont les fabricants qui payent réellement la taxe, et pas les consommatrices, baisser la taxe va aider les fabricants, et pas les femmes en âge d’être réglées.

    4. A votre avis, la demande de protections périodiques est-elle plutôt élastique ou rigide ? Aidez-vous du document 3 pour répondre. Peut-on espérer une forte baisse du prix grâce à la baisse de TVA sur ces produits ?
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      Le document 1 nous dit que la fin de la taxe tampon a coïncidé avec une diminution du prix des protections périodiques (attention ! Il faut rester prudent dans sa réponse. Corrélation n’est pas causalité, au besoin renvoyer un lien vers un exercice sur ce sujet). On peut penser que la baisse de la taxe est réellement répercutée aux consommatrices, ce qui voudrait dire qu’elles ont une demande rigide et n’ont pas beaucoup d’autres moyens lorsqu’elles sont réglées. Les serviettes lavables restent très contraignantes pour beaucoup, les habitudes dans ces domaines intimes sont lentes à changer, etc.