Approfondissement : Encadrement des loyers et rationnement

Notions clés : courbes d’offre et demande, pentes des courbes, équilibre sur un marché concurrentiel, prix plafond

Document 1 (Lecture de graphique)

Document 2 (Schéma de microéconomie)

Document 3 (Lecture d’article d’un quotidien national)


L’encadrement des loyers peut-il être efficace ?

Le premier ministre, Manuel Valls, en renonçant, le 29 août, à plafonner les loyers, hormis dans la capitale, a relancé le débat entre pro- et anti-régulation. La mesure est pourtant populaire auprès des 6,5 millions de locataires du parc privé, qui supportent, pour se loger, un taux d’effort financier jamais atteint. Nicolas Sarkozy l’avait adoptée lors de la campagne présidentielle de 2012. « Le logement est trop cher, pas seulement à Paris mais dans de nombreuses agglomérations, et il faut une intervention publique », appuie Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Après Lille, la communauté d’agglomération Grenoble-Alpes Métropole a d’ailleurs, lundi 1er septembre, annoncé sa volonté d’expérimenter le dispositif d’encadrement des loyers.
Mais une telle réglementation n’arriverait-elle pas trop tard, alors même que les loyers s’assagissent ? Ils n’ont (…) progressé, sur le plan national, que de 0,6 % au premier semestre par rapport à la même période de 2013, lors d’un changement de locataire. Cette modération relative s’observe dans l’agglomération parisienne, avec +2,3 % de hausse moyenne au 1er janvier par rapport à la même date en 2013. Même si les nouveaux entrants encaissent toujours des hausses significatives: +3,3 % en proche banlieue, +7,1 % à Paris intra-muros. Ce qui semble justifier la décision de M. Valls d’y instaurer un plafonnement.

Une forme d’encadrement des loyers à effet limité existe déjà
Peu de gens le savent, mais, depuis le 1er août 2012, les loyers ne sont pas libres. Leur augmentation est, à l’arrivée d’un nouveau locataire (…) limitée à l’évolution de l’indice de révision des loyers (IRL) (…). L’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) a constaté que 60 % des bailleurs qui remettent en location observent cette règle, mais 40 % l’outrepassent, les locataires étant dépourvus de moyen de connaître le loyer antérieur. (…)

L’exemple allemand de régulation n’est pas forcément transposable
Le projet de Cécile Duflot, dans la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) allait plus loin : il ne se contentait pas de limiter la hausse en pourcentage mais fixait un plafond de prix en euros par mètre carré, de 20 % au-dessus du prix médian, calculé par un observatoire dans chacune des villes, décliné par quartier, type de construction et taille de logement. L’ex-ministre s’inspirait de l’exemple allemand des loyers miroirs dans lequel chaque ville dispose d’un argus des prix auquel les locataires peuvent se référer et demander un alignement, en justice. Mais, en Allemagne, pays de locataires (plus de 60 % des habitants), le marché est très fluide et les prix raisonnables même dans les grandes villes - entre 6 et 8 euros le mètre carré mensuel. (…)

Le précédent de la loi Quilliot a montré les limites du plafonnement
Plafonner les loyers peut, en outre, décourager des propriétaires de louer. C’est ce qui était arrivé dans les années 1980, après l’adoption de la loi Quilliot (26 juin 1982). Protection des locataires et modération des hausses de loyer ont fait fuir de nombreux bailleurs, notamment institutionnels. (…) Un autre risque, c’est d’aligner tous les loyers sur les prix médians et de renchérir l’offre jusqu’ici meilleur marché. La loi Duflot prévoit, en effet, que si le loyer est inférieur de 30 % à la référence médiane, il peut s’aligner, sans recours pour le locataire.
« Nous avions observé ce phénomène de rattrapage des loyers les moins chers sur les plus chers lors de la mise en place de la loi Quilliot, avec la notion de loyer manifestement sous-évalué », admet Geneviève Prandi, directrice de l’OLAP. Le conseil d’analyse économique avait appelé, dans une note d’octobre 2013, à la prudence sur ce mode de fixation des loyers, préconisant une expérimentation avant toute généralisation. Paris, poisson pilote, s’y emploiera donc.

Extrait du Journal Le Monde, publié en septembre 2014 par Isabelle Rey-Lefebvre

Questions

  1. Construisez sur un schéma l’offre et la demande de logement sur le marché locatif. Si le marché n’est pas régulé, où s’établit le prix d’équilibre ? Montrez également la quantité de logements loués dans cette situation.

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    La demande, qui résulte de l’agrégation des demandes individuelles, est décroissante (loi de la demande). L’offre, qui résulte de l’agrégation des offres individuelles, est croissante (loi de l’offre). L’équilibre s’établit en E, au prix p* qui permet d’égaliser l’offre et la demande de logements. La quantité de logement loués est q* dans cette situation.

    N.B : Toujours vérifier que le schéma est construit avec les QUANTITES en ABSCISSES, et les PRIX en ORDONNEES.


  2. Le document 3 évoque une augmentation des loyers entre 2013 et 2014. D’après vos connaissances, donnez un exemple de ce qui peut provoquer une augmentation de prix sur un marché concurrentiel ? Le document 1 montre que le nombre de ménages a pu augmenter davantage que le nombre de logements. Comment cela se traduirait-il graphiquement ?

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    Sur un marché concurrentiel, le prix peut augmenter suite à un choc d’offre ou un choc de demande. Par exemple, un choc de demande positif (la demande augmente) conduit à un déplacement de la courbe de demande vers le haut et la droite du schéma et à un nouvel équilibre avec davantage de logements échangés pour un prix plus haut.


    (Similairement, on pourrait imaginer un choc négatif de l’offre qui conduise à un déplacement de la courbe d’offre vers le haut et la gauche du schéma. On aurait alors une plus petite quantité échangée à un plus haut prix).
    D’après le document 1, le nombre de ménages a pu augmenter en raison d’une évolution de la société : il y a davantage de séparations, une évolution des modes de cohabitation (cela pourrait signifier que les jeunes partent plus tôt de chez leurs parents, que les personnages âgées vivent davantage seules qu’avec leurs enfants, etc.) Cela pourrait justement se représenter par un déplacement de la courbe de demande de logement vers le haut et la droite du graphique.


  3. Le marché du logement a parfois été jugé trop tendu dans certaines agglomérations et les loyers ont été encadrés : en 2014 par la loi ALUR sur laquelle porte l’article du journal Le Monde du document 3, ou en 1982 par la loi Quillot également évoquée dans l’article. Montrez sur votre schéma l’effet d’un plafonnement des loyers sur la quantité de logements loués.

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    Si l’Etat introduit un prix plafond sur le marché, il se représente sur le schéma par une droite horizontale en-dessous du prix d’équilibre.

    N.B : Attention !! un prix PLAFOND est nécessairement EN-DESSOUS du prix d’équilibre. Car si on introduit un prix à ne pas dépasser, c’est qu’on trouve que le prix de marché est trop élevé, on veut donc fixer un prix plus bas. (Si un gouvernement avait l’idée saugrenue d’introduire un prix plafond supérieur au prix de marché, ça ne servirait à rien !! le bien s’échangerait tout simplement au prix de marché ! Si votre envie naturelle c’est d’échanger au prix de 5 schmilblicks, et que l’Etat vous gronde en vous faisant les gros yeux « attention !! on ne dépasse 7 schmilblicks ou je me fâche », et bien vous vous demandez ce qui lui prend. Vous n’aviez pas du tout l’intention de dépasser 7 schmilblicks, vous êtes à 5…!)

    A ce prix plafond la quantité demandée est supérieure à la quantité offerte.
    Le prix d’équilibre est le seul qui permette d’égaliser l’offre et la demande, c’est sa définition. Si on fixe artificiellement un autre prix, offre et demande ne coïncident plus.
    Il y a donc un excès de demande sur ce marché lorsqu’il y a prix plafond, et donc un rationnement. Certaines personnes qui voudraient un logement, et qui auraient les moyens de le payer au prix en vigueur, n’en trouvent pas. Il n’y a pas assez de propriétaires disposés à mettre leur logement en location à ce prix


  4. D’après vos connaissances est la signification économique de la pente de la courbe d’offre ?

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    La pente des courbes d’offre et de demande représente la sensibilité au prix. Plus une pente est forte (en valeur absolue), donc plus une droite tend vers la verticale, plus l’offre ou la demande sont rigides.
    Ce sont des situations où le consommateur ou le producteur sont accrochés à une quantité : un consommateur ne peut pas facilement renoncer au produit, même s’il est cher, ou un producteur doit écouler une quantité, même si elle se vend mal. Au contraire, lorsque la droite tendent vers l’horizontal, c’est que le consommateur ou le producteur sont sensibles au prix. A la moindre variation de prix, ils changent considérablement leur plan de demande ou d’offre.

    Pour l’offre de logement, si le droite est plutôt verticale, c’est que l’offre est rigide. Le nombre de logements disponible à la location est difficile à changer. Les propriétaires veulent louer coûte que coûte et non pas garder des logements vides, et ils ne peuvent pas construire rapidement de nouveaux logements. Si la droite est plutôt horizontale, c’est que l’offre est élastique : une variation de prix des loyers peut rapidement convaincre des propriétaires de mettre en location des logements sinon vacants, ou convaincre des promoteurs de construire


  5. A l’aide du document 2, montrez la différence d’incidence d’un plafonnement des loyers entre une situation où l’offre est très pentue, et une situation où l’offre est plate. Dans laquelle des deux situations la politique d’encadrement des loyers est-elle la plus efficace ? Le document 3 dit :

    « Plafonner les loyers peut, en outre, décourager des propriétaires de louer. C’est ce qui était arrivé dans les années 1980, après l’adoption de la loi Quilliot (26 juin 1982). Protection des locataires et modération des hausses de loyer ont fait fuir de nombreux bailleurs, notamment institutionnels. »

    Cette citation plaide-t-elle pour une portion de courbe d’offre plutôt pentue ou plutôt plate ?

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    On voit sur le document 2 que lorsque l’offre est élastique donc les offreurs sensibles au prix (graphique de gauche, la droite d’offre est quasiment horizontale), un prix plafond réduit fortement la quantité de logements disponibles à la location. Au contraire, lorsque l’offre est rigide (graphique de droite), le prix plafond réduit toujours la quantité de logements disponibles, mais beaucoup moins.
    Ainsi, une politique de plafonnement des loyers peut avoir un effet désastreux si l’offre est très élastique, mais un effet intéressant si l’offre est rigide.

    La citation laisse à penser que l’offre est tout de même sensible au prix, puisque certains bailleurs cessent de mettre leur logement en location lorsque les loyers sont plafonnés.