Lire et écrire

Déterminants des pratiques à l’ère numérique

Author

Romain Orioli - M2 ENSP

Published

November 21, 2025

Présentation de l’enquête CAPUNI- individus 2019

L’enquête CAPUNI s’intéresse à l’évolution des usages du numérique. Elle est menée par l’observatoire Omni.

Il s’agit d’une enquête nationale dont l’objectif est de mesurer “ce qu’apporte (ou n’apporte pas) le numérique aux individus en terme d’empowerment” (voir la page consacrée à l’enquête sur le site internet de l’observatoire).

Parmi les pratiques enquêtées : l’écriture et l’écriture (sans précision sur le support). Plus précisément, deux questions ont été posées aux individus:

  • Au cours des 3 derniers mois, à quelle fréquence devez-vous LIRE, pour votre travail ou vos usages privés, un texte de plus de 5 lignes ?

  • Au cours des 3 derniers mois, à quelle fréquence devez-vous ÉCRIRE, pour votre travail ou vos usages privés, un texte de plus de 5 lignes ?

Concernant la pratique de lecture, l’enquête présente une double originalité par rapport aux enquêtes usuelles (et notamment l’enquête sur les pratiques culturelles des Français proposée par le ministère de la culture). D’une part elle envisage la lecture comme un acte plus large que la lecture de livres ou d’articles informationnels. La lecture est ici envisagée comme l’acte de lire un texte d’plus de cinq lignes. D’autre part, l’enquête permet de mettre en relation l’acte de lire (mais aussi d’écrire) avec des pratiques numériques et par exemple le temps quotidien passé sur internet.

Après avoir établi les fréquences de ces activités au sein de la population française, nous en dresserons les liens avec le sexe, l’âge et le niveau de diplôme des individus comme le fait classiquement l’analyse sociologique des pratiques culturelles. Enfin, nous étudierons la possibilité que ces pratiques soient (dé)favorisées par un usage intensif du numérique.

1. Lire et écrire : des pratiques souvent quotidiennes

Pour la plupart des Français, lire est une activité quotidienne. La figure 1 montre que 87% des individus lisent des textes d’plus de cinq lignes tous les jours ou presque voire plusieurs fois par jour. Une faible minorité des Français lisent moins souvent que toutes les semaines1. Concernant l’écriture (voir figure 2), même si la quotidienneté de la pratique concerne une plus faible proportion des individus que la lecture, celle-ci concerne 60% des individus.

Figure 1 : Fréquences de lecture
N = 4,0201
lecture
    Plusieurs fois par jour 1,842 (47%)
    Tous les jours ou presque 1,579 (40%)
    Toutes les semaines ou presque 331 (8.5%)
    Moins souvent 159 (4.1%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 47% des Français ont lu des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)

Figure 2 : Fréquences d’’écriture
N = 4,0201
ecriture
    Plusieurs fois par jour 1,086 (29%)
    Tous les jours ou presque 1,162 (31%)
    Toutes les semaines ou presque 787 (21%)
    Moins souvent 772 (20%)
Les données sont pondérées.
ecriture : 29% des Français ont écrit des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)

Cette fréquence élevée des pratiques de lecture et, dans une moindre mesure, d’écriture d’une majorité des Français cache cependant des différences socialement déterminée. Cela n’est guère détonnant par rapport aux nombreux apports de la sociologie de l’éducation et de la sociologie dispositionaliste de la culture.

2. La lecture est plus fréquente chez les femmes, les jeunes et les plus diplômé·es

Les pratiques culturelles et informationnelles sont fortement reliées au capital culturel des individus (Bourdieu, 1979 ; Lombardo et Wolff, 2020). Elles sont également parfois principalement déterminées par l’âge (pour les pratiques musicales par exemple, voir Hammou et Molinaro,2022) ou encore par le genre comme cela est particulièrement le cas pour la lecture de livres (Lombardo et Wolff, 2020). Nous testons donc le lien de ces trois variables avec la pratique de lecture de textes de plus de cinq lignes.

Les femmes lisent de façon plus fréquente que les hommes

Si la proportion d’hommes et de femmes lisant quotidiennement est la même (87%), la différence genrée est principalement marquée par l’intensité de cette lecture quotidienne. Tandis que plus de la moitié (52%) des femmes lisent plusieurs fois par jour, ce n’est le cas que de 41% des hommes. La relation significative indiquée par la figure 3 n’exprime donc pas une différence genrée dans la probabilité que la pratique soit quotidienne mais dans la probabilité que, lorsqu’elle est quotidienne, cette pratique soit répétée.

Figure 3 : Lecture selon le sexe
Overall
N = 4,020
1
Femme
N = 2,097
1
Homme
N = 1,923
1
p-value2
lecture


0.003
    Plusieurs fois par jour 1,842 (47%) 1,066 (52%) 776 (41%)
    Tous les jours ou presque 1,579 (40%) 720 (35%) 859 (46%)
    Toutes les semaines ou presque 331 (8.5%) 163 (8.0%) 168 (8.9%)
    Moins souvent 159 (4.1%) 88 (4.3%) 71 (3.8%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 52% des femmes contre 41% des hommes ont lu des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

Le lien entre la lecture et l’âge

Le même constat peut être établi à propos de l’effet de l’âge (voir figure 4). Selon les classes d’âge, la proportion d’individus lisant quotidiennement varie de 86 à 90%, les 60-74 ans étant les plus nombreux relativement à déclarer lire tous les jours ou presque voire plusieurs fois par jour. En revanche, si on s’intéresse au caractère répété de la pratique au quotidien, de significatives différences sont à noter. Alors que les 18-29 ans sont 56% à lire un texte d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour, ce n’est le cas que de moins d’un tiers (30%) des 75 ans et plus de 45 à 48% des 30-74 ans.

Figure 4 : Lecture sur internet selon l’âge
Overall
N = 4,020
1
18 à 29 ans
N = 873
1
30 à 44 ans
N = 942
1
45 à 59 ans
N = 977
1
60 à 74 ans
N = 769
1
75 ans et plus
N = 459
1
p-value2
lecture





0.018
    Plusieurs fois par jour 1,842 (47%) 486 (56%) 416 (45%) 453 (48%) 355 (48%) 131 (30%)
    Tous les jours ou presque 1,579 (40%) 258 (30%) 402 (44%) 364 (39%) 309 (42%) 245 (56%)
    Toutes les semaines ou presque 331 (8.5%) 81 (9.4%) 78 (8.5%) 78 (8.3%) 49 (6.6%) 44 (10%)
    Moins souvent 159 (4.1%) 37 (4.3%) 23 (2.5%) 49 (5.2%) 31 (4.2%) 19 (4.2%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 56% des individus âgés de 18 à 29 ans contre 30% des individus âgés de 75 ans et plus ont lu des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

Le lien entre la lecture et le diplôme

Les différences de pratiques de lecture sont bien plus nettement marquées par le capital culturel de l’individu, ici mesuré par sa forme institutionnalisée, le diplôme. La figure 5 fait apparaître les fréquences de lecture en fonction de 5 niveaux de diplôme. Alors que la quasi-totalité (99%) des individus détenant un diplôme de niveau Bac+5 ou plus lisent quotidiennement, cette proportion se réduit de façon continue avec le niveau de diplôme : 96% pour un niveau Bac+3/+4, 92% pour un niveau Bac+1/+2,85% pour un niveau baccalauréat et 77% pour un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat. Parmi les individus détenant ce dernier niveau de diplôme, 11% lisent moins souvent que toutes les semaines ou presque, situation qui ne concerne qu’un individu sur 500 (0,2%) parmi les diplômés de niveau Bac+5 ou plus.

Figure 5 : Lecture selon le niveau de diplôme
Overall
N = 3,980
1
Sans diplôme ou < Bac
N = 1,213
1
Niveau Bac
N = 857
1
Bac +1 ou +2
N = 652
1
Bac +3 ou +4
N = 665
1
Bac +5 et plus
N = 594
1
p-value2
lecture





<0.001
    Plusieurs fois par jour 1,838 (48%) 332 (30%) 357 (42%) 355 (55%) 381 (58%) 414 (70%)
    Tous les jours ou presque 1,549 (40%) 524 (47%) 363 (43%) 238 (37%) 251 (38%) 174 (29%)
    Toutes les semaines ou presque 325 (8.4%) 143 (13%) 119 (14%) 37 (5.7%) 22 (3.3%) 5 (0.8%)
    Moins souvent 157 (4.1%) 122 (11%) 15 (1.7%) 14 (2.2%) 6 (0.9%) 1 (0.2%)
Les données sont pondérées.
lecture : 70% des individus détenant un diplôme de niveau Bac+5 ou plus contre 30% des individus sans diplôme ou dont le diplôme est de niveau inférieur au baccalauréat ont lu des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

Ce lien entre niveau de diplôme détenu et pratiques de lecture peut en partie s’expliquer par les positions professionnelles différentes occupées par les individus selon leur niveau de diplôme, l’exercice professionnel pouvant inclure la nécessité de lire des textes de plus de 5 lignes. Par exemple, si les ouvriers sont 8,8% à lire moins souvent que de façon hebdomadaire, ce n’est le cas que de 0,5% des professions intermédiaires et 1,9% des indépendants. Cependant, l’exercice professionnel n’épuise pas l’explication puisque 6,1% des cadres et 6,5% des employés sont également concernés2.

3. L’écriture : une pratique déterminée par l’âge et le niveau de diplôme

Contrairement à la lecture, les différences de fréquence d’écriture ne sont pas genrées

Comme le montre le figure 6, la relation entre pratique d’écriture et genre n’est pas significative. Si les femmes sont un peu plus nombreuses que les hommes dans l’échantillon redressé à lire plusieurs fois par jour, la différence (31 contre 26%) n’est pas suffisamment robuste compte tenu des effectifs pour la généraliser à la population mère.

Figure 6 : Écriture selon le genre
Overall
N = 4,020
1
Femme
N = 2,097
1
Homme
N = 1,923
1
p-value2
ecriture


0.14
    Plusieurs fois par jour 1,086 (29%) 621 (31%) 465 (26%)
    Tous les jours ou presque 1,162 (31%) 547 (27%) 615 (34%)
    Toutes les semaines ou presque 787 (21%) 417 (21%) 369 (20%)
    Moins souvent 772 (20%) 404 (20%) 368 (20%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 31% des femmes contre 26% des hommes ont écrit des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

Une fréquence d’écriture diminuant avec l’avancée en âge

En revanche, l’écriture est une pratique dont la fréquence est fortement différenciée en fonction de l’avancée en âge. Les plus âgés sont les plus nombreux à écrire moins souvent de façon hebdomadaire. Par exemple, 39% des 75 ans et plus écrivent moins souvent que toutes les semaines ou presque tandis que ce n’est la cas que de 15 à 17 % des moins de 60 ans (voir figure 7)

Figure 7 : Écriture sur internet selon l’âge
Overall
N = 4,020
1
18 à 29 ans
N = 873
1
30 à 44 ans
N = 942
1
45 à 59 ans
N = 977
1
60 à 74 ans
N = 769
1
75 ans et plus
N = 459
1
p-value2
ecriture





<0.001
    Plusieurs fois par jour 1,086 (29%) 299 (35%) 290 (32%) 303 (33%) 156 (21%) 38 (9.1%)
    Tous les jours ou presque 1,162 (31%) 260 (31%) 307 (34%) 288 (32%) 193 (26%) 114 (27%)
    Toutes les semaines ou presque 787 (21%) 144 (17%) 164 (18%) 168 (18%) 207 (28%) 104 (25%)
    Moins souvent 772 (20%) 142 (17%) 138 (15%) 156 (17%) 176 (24%) 160 (39%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 35% des individus âgés de 18 à 29 ans contre 9,1% des individus âgés de 75 ans et plus ont écrit des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

La relation entre âge et pratiques d’écriture fait apparaître 3 catégories d’âge pertinentes : les moins de 60 ans, les 60-74 ans et les 75 ans et plus. L’activité d’écriture beaucoup plus intense des moins de 60 ans peut s’expliquer par l’inscription de ces derniers dans la période de formation ou d’activité. À l’autre bout de l’échelle des âges, la moindre intensité de la pratique d’écriture des 75 ans et plus pourrait peut-être s’expliquer par des raisons d’incapacité physique et/ou d’isolement social.

Une pratique fortement marquée par le niveau de diplôme

Comme pour la pratique de la lecture, l’écriture de textes de plus de 5 lignes est fortement corrélé au niveau de diplôme des individus. 40% des individus sans diplôme ou détenant un diplôme de niveau inférieur au baccalauréat ont écrit moins souvent que toutes les semaines ou presque au cours des 3 mois précédant l’enquête. Seul 1 diplômé de niveau bac+5 ou plus sur 20 (4,9%) est dans cette situation. La même analyse que pour la lecture peut être menée à partir des données contenue dans la figure 8.

Figure 8 : Écriture selon le niveau de diplôme
Overall
N = 3,980
1
Sans diplôme ou < Bac
N = 1,213
1
Niveau Bac
N = 857
1
Bac +1 ou +2
N = 652
1
Bac +3 ou +4
N = 665
1
Bac +5 et plus
N = 594
1
p-value2
ecriture





<0.001
    Plusieurs fois par jour 1,086 (29%) 108 (10%) 197 (24%) 195 (30%) 280 (43%) 306 (52%)
    Tous les jours ou presque 1,148 (30%) 251 (24%) 300 (36%) 219 (34%) 203 (31%) 174 (29%)
    Toutes les semaines ou presque 773 (21%) 269 (26%) 181 (22%) 126 (20%) 117 (18%) 80 (14%)
    Moins souvent 760 (20%) 420 (40%) 155 (19%) 99 (15%) 57 (8.7%) 29 (4.9%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 52% des individus détenant un diplôme de niveau Bac+5 ou plus contre 10% des individus sans diplôme ou dont le diplôme est de niveau inférieur au baccalauréat ont écrit des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

4. Lecture, écriture et usage d’internet : des pratiques acomplémentaires.

Lecture et écriture sont souvent d’intensité similaire

La figure 9 présente la fréquence des pratiques d’écriture pour chacune des fréquences de lecture possibles. On aperçoit assez clairement que la propension à écrire est fortement reliée à l’intensité de la lecture. Par exemple, 81% des individus lisant moins souvent que toutes les semaines écrivent à la même fréquence. A contrario, 55% des individus lisant plusieurs fois par jour écrivent également plusieurs fois par jour.

Figure 9 : Fréquence d’écriture selon la fréquence de lecture
Overall
N = 3,910
1
Plusieurs fois par jour
N = 1,842
1
Tous les jours ou presque
N = 1,579
1
Toutes les semaines ou presque
N = 331
1
Moins souvent
N = 159
1
p-value2
ecriture




<0.001
    Plusieurs fois par jour 1,086 (29%) 1,002 (55%) 74 (4.8%) 9 (2.9%) 1 (1.1%)
    Tous les jours ou presque 1,159 (31%) 309 (17%) 797 (52%) 47 (15%) 6 (4.7%)
    Toutes les semaines ou presque 781 (21%) 280 (15%) 377 (25%) 107 (34%) 17 (14%)
    Moins souvent 765 (20%) 230 (13%) 285 (19%) 149 (48%) 101 (81%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 55% des individus lisant des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour contre 1,1% des individus s’y exerçant à un rythme moindre qu’hebdomadaire ont écrit des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

Le temps passé sur internet favorise la lecture et l’écriture

L’enquête CAPUNI a sondé les individus non seulement sur leurs pratiques de lecture et d’écriture mais surtout sur leurs pratiques numériques. Elle a notamment demandé aux individus combien de temps par jour il passait sur internet pour des raisons personnelles et pour des raisons. Cela nous permet de nous apercevoir que le temps passé sur internet3 n’est pas du tout un temps interdisant la lecture et l’écriture, au contraire.

Lecture selon le temps quotidien passé sur internet
Overall
N = 3,576
1
Moins de 90 mn
N = 1,034
1
Entre 90 mn et 3 heures
N = 811
1
Entre 3 et 6 heures
N = 945
1
Plus de six heures
N = 786
1
p-value2
lecture




0.007
    Plusieurs fois par jour 1,731 (49%) 416 (42%) 407 (51%) 469 (51%) 438 (56%)
    Tous les jours ou presque 1,377 (39%) 404 (41%) 304 (38%) 385 (42%) 283 (36%)
    Toutes les semaines ou presque 274 (7.8%) 123 (12%) 57 (7.0%) 49 (5.3%) 45 (5.7%)
    Moins souvent 125 (3.6%) 51 (5.1%) 37 (4.6%) 21 (2.3%) 16 (2.1%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 56% des individus passant plus de 6 heures par jour sur internet contre 42% des individus n’y consacrant pas plus de 90 minutes ont lu des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

La figure 10 met en évidence un lien positif entre temps quotidien passé sur internet et fréquence de la lecture. Les plus gros consommateurs d’internet (plus de six heures par jour) sont 56% à lire plusieurs fois par jour et 36% à lire tous les jours ou presque. Chez les faibles consommateurs (moins de 90 minutes par jour) ces proportions sont respectivement de 45 et 41%. Ils sont même 5,1% à lire moins souvent que toutes les semaines ou presque. Cette proportion diminue avec l’augmentation du temps passé sur internet.

Cette relation est encore plus marquée pour les pratiques d’écriture (voir figure 11).

Figure 11 : Écriture selon le temps quotidien passé sur internet
Overall
N = 3,576
1
Moins de 90 mn
N = 1,034
1
Entre 90 mn et 3 heures
N = 811
1
Entre 3 et 6 heures
N = 945
1
Plus de six heures
N = 786
1
p-value2
ecriture




<0.001
    Plusieurs fois par jour 1,063 (31%) 173 (18%) 203 (26%) 325 (36%) 362 (47%)
    Tous les jours ou presque 1,087 (32%) 237 (24%) 285 (36%) 323 (36%) 242 (31%)
    Toutes les semaines ou presque 695 (20%) 275 (28%) 159 (20%) 152 (17%) 109 (14%)
    Moins souvent 601 (17%) 290 (30%) 147 (18%) 103 (11%) 61 (7.9%)
Les données sont pondérées.
Lecture : 47% des individus passant plus de 6 heures par jour sur internet contre 18% des individus n’y consacrant pas plus de 90 minutes ont écrit des textes d’plus de cinq lignes plusieurs fois par jour au cours des 3 mois précédant l’enquête.
En raison des arrondis, la somme peut ne pas être égale à 100%
1 n (%)
2 Pearson’s X^2: Rao & Scott adjustment

Un effet net de la consommation d’internet sur les pratiques de lecture et d’écriture?

Comme nous l’avons vu, plusieurs facteurs sont reliés à la fréquence des pratiques d’écriture et de lecture. Cependant notre analyse ne nous permet pas pour l’instant de déterminer l’effet de chaque variable, celles-ci étant liées. Par exemple nous avons montré le lien entre l’âge et intensité quotidienne de la lecture et entre la consommation d’internet et la lecture. La consommation d’internet étant relié négativement à l’âge4, il n’est pas possible de savoir quelle variable est réellement explicative.

Un modèle de régression a donc été créé pour mesurer l’effet net de chaque variable du modèle5 (voir figure 12 pour la lecture et figure 13 pour l’écriture). Pour plus de simplicité nous testons la probabilité de lire quotidiennement (“plusieurs fois par jour” et “tous les jours ou presque) plutôt que de lire moins que quotidiennement (”Toutes les semaines ou presques” et “Moins souvent”).

Figure 12 : Regression logistique — Lecture
Modalités OR 95% CI p-value
Tranche d’âge


    18 à 29 ans
    30 à 44 ans 1.62 1.21, 2.18 p=0.001
    45 à 59 ans 2.26 1.65, 3.11 p<0.001
    60 à 74 ans 3.02 2.11, 4.36 p<0.001
    75 ans et plus 4.83 2.87, 8.42 p<0.001
Sexe


    Femme
    Homme 1.03 0.84, 1.27 p=0.784
Diplôme


    Sans diplôme ou < Bac
    Niveau Bac 2.03 1.59, 2.61 p<0.001
    Bac +1 ou +2 3.83 2.80, 5.33 p<0.001
    Bac +3 ou +4 6.77 4.63, 10.2 p<0.001
    Bac +5 et plus 31.5 15.2, 79.3 p<0.001
Temps passé sur Internet (jour)


    Moins de 90 mn
    Entre 90 mn et 3 heures 1.94 1.47, 2.59 p<0.001
    Entre 3 et 6 heures 3.02 2.23, 4.11 p<0.001
    Plus de six heures 3.03 2.15, 4.33 p<0.001
Abbreviations: CI = Confidence Interval, OR = Odds Ratio
Clé de lecture : Les individus âgés de 30 à 44 ans ont 1,8 fois plus de chances de lire souvent des textes d’plus de cinq lignes plutôt que de ne pas en lire souvent par rapport aux individus de 18 à 29 ans, toutes choses égales par ailleurs c’est à dire à effets de sexe, de diplôme et de consommation d’internet contrôlés.
Les données sont pondérées. p < .05 : effet significatif.

La régression logistique appliquée à la pratique de la lecture laisse apparaitre des résultats intéressants. Tout d’abord est confirmé l’absence d’effet genré dès lors que l’intensité quotidienne de la lecture (“plusieurs fois par jour” versus “tous les jours ou presque”) n’est plus prise en compte. Ensuite est confirmé le rôle prédominant du niveau de diplôme des individus. Toutes choses égales par ailleurs, un diplômé de niveau Bac+5 ou plus a 31,5 fois plus de chances qu’un individu sans diplôme ou doté d’un diplôme de niveau inférieur au baccalauréat de lire quotidiennement plutôt que de ne pas lire. C’est certainement concernant l’âge que les résultats sont les plus intéressant. Une fois contrôlé le temps passé sur internet, la relation entre âge et lecture s’inverse. Ce sont les plus âgés qui ont la plus grande probabilité de lire souvent. Cela indique donc que c’est parce qu’ils passent significativement plus de temps sur internet que les plus jeunes lisent plus fréquemment et non proprement en raison de leur âge. Cela est confirmé par les odds-ratios positifs et significatif relatifs à la consommation quotidienne d’internet.

Concernant l’écriture les résultats sont globalement similaires à ceux portant concernant la lecture (absence d’effet propre du genre, effets positifs du niveau de diplôme et de la consommation d’internet) mais s’en distinguent sur 3 points:

  1. L’absence d’effet linéaire positif de l’âge. Le modèle indique simplement que les 30-59 ans ont plus de chances d’écrire quotidiennement que les plus jeunes toutes choses égales par ailleurs mais cette relation cesse d’ête significative pour les 60 ans et plus

  2. L’effet du niveau de diplôme, quoique principal,positif et significatif, est beaucoup moins fort que pour les pratiques de lecture

  3. La relation positive entre temps passé sur internet et probabilité d’écrire quotidiennement est plus marquée que celle entre cette consommation et la probabilité de lire quotidiennement.

Figure 13 : Regression logistique — Écriture
Modalités OR 95% CI p-value
Tranche d’âge


    18 à 29 ans
    30 à 44 ans 1.49 1.20, 1.84 p<0.001
    45 à 59 ans 2.06 1.64, 2.59 p<0.001
    60 à 74 ans 1.03 0.80, 1.31 p=0.826
    75 ans et plus 1.33 0.93, 1.90 p=0.114
Sexe


    Femme
    Homme 0.96 0.82, 1.11 p=0.558
Diplôme


    Sans diplôme ou < Bac
    Niveau Bac 3.11 2.53, 3.85 p<0.001
    Bac +1 ou +2 3.32 2.65, 4.17 p<0.001
    Bac +3 ou +4 4.29 3.41, 5.42 p<0.001
    Bac +5 et plus 8.21 6.31, 10.8 p<0.001
Temps passé sur Internet (jour)


    Moins de 90 mn
    Entre 90 mn et 3 heures 2.03 1.65, 2.50 p<0.001
    Entre 3 et 6 heures 2.97 2.40, 3.68 p<0.001
    Plus de six heures 4.20 3.29, 5.39 p<0.001
Abbreviations: CI = Confidence Interval, OR = Odds Ratio
Clé de lecture : Les individus âgés de 30 à 44 ans ont 1,8 fois plus de chances d’écrire quotidiennement des textes d’plus de cinq lignes plutôt que d’en écrire moins souvent par rapport aux individus de 18 à 29 ans, toutes choses égales par ailleurs c’est à dire à effets de sexe, de diplôme et de consommation d’internet contrôlés.
Les données sont pondérées. p < .05 : effet significatif.

Limites de l’analyse

Les limites liées aux données

Le questionnaire comporte, certainement pour des raisons de respect du RGPD, des imprécisions qui empêchent ici l’analyse d’être pleinement performante. l’âge des individus n’est renseigné que par des tranches d’âge. Une question ouverte numérique nous aurait permis d’affiner l’analyse en remodelant les classes d’âge De même, le temps passé sur internet, personnellement et professionnellement, a été renseigné grâce à des fourchettes larges de temps passé (“Jamais”, “Moins d’une heure”, “1 à 2 heures”,“2 à 4 heures”,“Plus de 4 heures”). Bien évidemment il n’est pas possible pour un individu de restituer précisément le temps passé en minutes sur internet par jour (la question impliquerait de faire des moyennes sur une longue période, ce qui est impossible). Cependant, le choix de fourchettes rend très imprécis le calcul d’un temps total passé sur internet. Or la mise en classe d’une variable numérique aurait supprimé le problème de l’imprécision sans toutefois rendre impossible l’addition des temps déclaré pour les deux contextes. *Les deux questions présentées en introduction de ce document et portant sur les pratiques de lecture et d’écriture ont pour seule précision le nombre minimum de lignes. Il est possible que ces questions aient été de façon non univoque apr les répondants. Quid des messages sur Whatsapp? Quid des publicités? Il y a un grand risque de sous déclaration de certaines pratiques de lecture et d’écriture.

Les limites liées à l’absence de mesure de la constitution des habitudes de lecture et d’écriture

Un certain nombre de pratiques ne dépendent pas seulement des caractéristiques individuelles au moment de l’enquête mais sont le résultat de la constitution d’habitudes sur le long terme. Par exemple les pratiques de lecture (Glevarec, 2025) de livres sont en partie déterminées par les pratiques de lecture à l’enfance et à l’adolescence (tant en termes d’intensité de lecture que de genres lus)6. Il en est probablement de même pour l’écriture.

Bibliographie

Bourdieu, P. (1979). La distinction : Critique sociale du jugement. Paris : Les Éditions de Minuit.

Glevarec, H. (2025). Acquisition et héritage culturels Déterminants et modes d’acquisition des pratiques culturelles dans la France contemporaine. Revue européenne des sciences sociales, 63-1(1), 47-98. https://shs-cairn-info.ressources-electroniques.univ-lille.fr/revue-europeenne-des-sciences-sociales-2025-1-page-47?lang=fr.

Hammou, K. et Molinero, S. (2022). Chapitre IV. Rap et RnB dans les pratiques culturelles en France. Dans K. Hammou et M. Sonnette-Manouguian 40 ans de musiques hip-hop en France (p. 117-148). Ministère de la Culture - DEPS. https://doi-org.ressources-electroniques.univ-lille.fr/10.3917/deps.hammo.2022.01.0117.

Lombardo, P. H., & Wolff, L. (2020). Cinquante ans de pratiques culturelles en France. Ministère de la Culture. https://www.culture.gouv.fr/de/Media/medias-creation-rapide-ne-pas-supprimer/CE-2020-2_Cinquante-ans-de-pratiques-culturelles-en-France.pdf


Footnotes

  1. En raison des faibles effectifs concernés, pour la lecture comme pour l’écriture, nous avons regroupé les modalités “Tous les mois ou presque”, “Moins souvent” et “jamais” sous la modalité “Moins souvent”.
    Pour la lecture, les données non pondérées indiquaient des fréquences respectives de 1,5 %, 3,5 % et 0 %.
    Pour l’écriture, ces fréquences étaient respectivement de 8,6 %, 11,9 % et 0 %.
    Le choix de regroupement pour la pratique d’écriture a été guidé par un souci comparatif avec la pratique de lecture, pour laquelle le regroupement était imposé par les effectifs.↩︎

  2. L’analyse statistique n’a pas été reproduite ici pour alléger le document.
    L’analyse multivariée (lecture, diplôme, profession) montre que le diplôme possède un effet quelle que soit la PCS.↩︎

  3. Le questionnaire comportait deux questions distinctes portant respectivement sur le temps personnel et le temps professionnel.
    Les questions étaient accompagnées de modalités pré-sélectionnées sous forme de classes.
    Cela ne permet que très imparfaitement de reconstituer un temps global.
    Cependant, même si cela reste approximatif, nous avons additionné ces classes pour construire une variable de temps total.↩︎

  4. Cette relation est confirmée par les données de l’enquête CAPUNI.
    Nous l’avons vérifié sans reproduire ici les données.↩︎

  5. Un autre modèle de régression incluant la PCS a été effectué, mais il détériorait la qualité du modèle tout en confirmant la non-significativité de cette variable.↩︎

  6. Nous avons pu vérifier l’effet propre des pratiques à 12 ans sur les pratiques à l’âge adulte concernant la lecture de livres à partir des données de l’enquête 2018 sur les pratiques culturelles des Français. Cela est particulièrement marqué concernant la probabilité d’être un lecteur intensif et éclectif moderne c’est-à-dire dont les lectures incluent des genres éloignés de la culture classique tels que la fantasy, le manga ou les comics.↩︎