Auteur : Nicolas Stefaniak

Niveau : master - doctorat - chercheurs confirmés

Préambule

Le premier à avoir évoqué les méta-analyses, à savoir la possibilité d’avoir des tailles d’effets et de pouvoir les combinées entre elles est Glass (1976). En 1977, Glass a été directement impliqué dans la plus grande entreprise utilisant cette méthode et visant à répondre à une critique qu’Eysenck (1952) faisait des psychothérapies, à savoir qu’elles ne sont pas efficaces. Cette étude (Smith & Glass, 1977) a été une réponse à cette critique montrant que, contrairement à ce qu’Eysenck avançait, les psychothérapies étaient efficaces.

Introduction

L’augmentation drastique du nombre d’articles scientifiques requiert de la part des des chercheurs de (Björk et al., 2008; Harnad et al., 2008) :

  1. pouvoir faire la synthèse de cette littérature de plus en plus vaste ;
  2. se faire une opinion éclairée sur la manière dont d’autres auteurs ont pu mener ces synthèses.

Ces synthèses peuvent prendre une forme narrative, mais sont de plus en plus souvent présentées sous la forme de méta-analyses. Cette tendance générale s’observe dans tous les domaines de la santé, et en psychologie en particulier. Cela ne poserait pas de souci si des méta-analyses différentes portant sur la même question aboutissait à la même conclusion. Cependant, en psychologie, et plus généralement dans le domaine de la santé mentale, ce n’est pas le cas. Pour illustrer ce phénomène, nous pouvons citer deux méta-analyses réalisées en 2011 et portant sensiblement sur la même question : l’efficacité des psychothérapie dans la schizophrénie. Selon l’étude de Dickerson et Lehman (2011), les TCC est l’approche pour laquelle il y a le plus de preuves quant à son efficacité alors que pour Newton‐Howe et Wood(2011), les TCC n’ont pas une efficacité supérieure que les thérapies de soutien (voir le chapitre consacré aux essais contrôlés randomisés pour plus d’informations sur ce que cela implique). En d’autres termes, les conclusions des deux articles aboutissent à des conclusions qui sont fondamentalement opposées. Cet exemple n’est qu’une illustration d’un phénomène bien plus général (Cuijpers, 2016).

On se retrouve dès lors dans cette inextricable situation où non seulement le nombre d’études augmente, le nombre de méta-analyses augemente et l’hétérogénéité des résultats ne permet que difficilement d’avoir une vue d’ensemble d’un domaine de recherche.

Ainsi, lorsqu’on veut mener une méta-analyse, ou examiner la qualité d’une méta-analyse publiée, les premières étapes consistent à

  1. Identifier une question de recherche circonscrite ;
  2. Avoir des critères d’inclusion et d’exclusion prédéfinis ;
  3. Examiner de manière exhaustive et systématique toutes les études éligibles ;
  4. Evaluer l’éligibilité des études ;
  5. Reporter de manière systématique les résultats pour obtenir un aperçu global et synthétique de la question posée.

Dans cette section, nous focaliserons sur les aspects statistiques des méta-analyses et nous renvoyons le lecteur vers les sections ad hoc pour les premières étapes.

Dans les méta-analyses, il existe les méta-analyses qui comparent un groupe de patients à un groupe de contrôle, mais il existe également ce qui est appelé les méta-analyses en réseau (ou méta-analyse de comparaison de traitements multiples) où on va comparer non seulement le groupes des personnes traitées par rapport au groupe témoin mais également les différentes approches thérapeutiques entre elles. Il est également possible de faire des méta-analyses sur des patients individuels. Ces approches ne seront pas développées dans cette section.

Les avantages et les inconvénients des méta-analyses

Pouvoir intégrer les résultats d’un ensemble d’essais dans une méta-analyse présente un certain nombre d’avantages (Cuijpers, 2016) :

  1. Augmenter la puissance statistique des essais, ce qui permet d’avoir une meilleure estimation de la taille d’effet réelle ;
  2. comme les études sont évaluées de manière systématique, cela permet d’explorer les divergences qui existent entre les études, ainsi que d’identifier si les effets observés peuvent différer en fonction de certaines caractéristiques des études, tels que les sous-groupes.
  3. Les méta-analyses permettent aussi au travers des analyses des biais d’estimer le nombre d’études qui ont été réalisées mais n’ont pas été publiées.
  4. les méta-analyses permettent également d’identifier les failles dans les études qui ont été réalisées et ainsi fournir des pistes à explorer dans les futures recherches.

Ce n’est donc pas étonnant que les méta-analyses soient placées tout en haut de la pyramide représentant la hiérarchie de preuves, juste en-dessous du consensus scientifique 1 Ainsi, à l’heure actuelle, un essai contrôlé randomisé ne réprésente plus un niveau de preuve suffisant pour modifier les décisions politiques, économiques ou sociales, il faut pouvoir s’appuyer sur des méta-analyses.

Ces méta-analyses peuvent aussi apporter un éclairage pour les bénéficiaires des traitements qui peuvent grâce à ces études prendre une décision éclairée quant à la meilleure option thérapeutique au regard de leur condition.

Si les méta-analyes présentent un certain nombre d’avantages, elles sont également associées à un certain nombre de problèmes.
La qualité des méta-analyses dépend de la qualité des études qui sont intégrées à cette méta-analyse. Si elle ne contient aucune étude de bonne qualité, la méta-analyse ne résout pas les problèmes de risques de biais. Ce problème peut être résumé par “si les données qui entrent sont incorrectes, celles qui sortent le sont aussi”.

Un autre problème, en particulier en psychologie, est que les études qui examinent la même question ne sont la plupart du temps pas des études reproduites à l’identique. Certaines personnes avancent que, puique les méthodologies ne sont pas strictement identiques, on ne peut pas comparer les études parce que cela reviendrait à comparer des pommes avec des poires.

Un autre problème des méta-analyse est d’accéder à l’ensemble des informations. En effet, beaucoup d’études, en particulier celles avec des résultats négatifs ne sont pas publiées et ne peuvent que difficilement être incluses dans la méta-analyse. Il s’ensuit que les méta-analyse peuvent surestimer de manière drastique la vraie taille d’effet de l’intervention expérimentale.

Enfin, les chercheurs qui mènent les méta-analyses ont également un biais d’allégeance, leur opinion par rapport à une intervention n’est pas neutre. Ils peuvent donc évaluer plus durement les études qui ne vont pas dans leur sens et moins sévèrement celles qui vont dans leur sens. C’est ce qu’on appelle le biais d’allégeance. Un moyen simple de contourner ce problème est de mener l’étude en collaboration avec une personne qui n’a pas la même vision que nous.

Références

Björk, B.-C., Roos, A., & Lauri, M. (2008). Global annual volume of peer reviewed scholarly articles and the share available via different open access options. International Conference on Electronic Publishing.
Cuijpers, P. (2016). Meta-analyses in mental health research: A practical guide. https://www.researchgate.net/publication/301815425_Meta-analyses_in_mental_health_research_A_practical_guide
Dickerson, F. B., & Lehman, A. F. (2011). Evidence-based psychotherapy for schizophrenia: 2011 update. Journal of Nervous &Amp; Mental Disease, 199(8), 520–526. https://doi.org/10.1097/nmd.0b013e318225ee78
Eysenck, H. J. (1952). The effects of psychotherapy: An evaluation. Journal of Consulting Psychology, 16(5), 319–324. https://doi.org/10.1037/h0063633
Glass, G. V. (1976). Primary, secondary, and meta-analysis of research. Educational Researcher, 5(10), 3. https://doi.org/10.2307/1174772
Harnad, S., Brody, T., Vallières, F., Carr, L., Hitchcock, S., Gingras, Y., Oppenheim, C., Hajjem, C., & Hilf, E. R. (2008). The access/impact problem and the green and gold roads to open access: An update. Serials Review, 34(1), 36–40. https://doi.org/10.1080/00987913.2008.10765150
Newton‐Howes, G., & Wood, R. (2011). Cognitive behavioural therapy and the psychopathology of schizophrenia: Systematic review and meta‐analysis. Psychology and Psychotherapy: Theory, Research and Practice, 86(2), 127–138. https://doi.org/10.1111/j.2044-8341.2011.02048.x
Smith, M. L., & Glass, G. V. (1977). Meta-analysis of psychotherapy outcome studies. American Psychologist, 32(9), 752–760. https://doi.org/10.1037/0003-066x.32.9.752

  1. il faut noter que ce n’est pas parce qu’il y a consensus scientifique, qu’il s’agit d’une vérité. Les théories de Newton faisait la quasi unanimité avant qu’Einstein ne vienne les réfuter.↩︎